Les délégations des huit territoires pilotes accompagnés dans le cadre de la cohorte régionale en Occitanie se sont retrouvées au Château de Grammont, à Montpellier, le 21 janvier dernier, pour la dernière journée en présentiel du tronc commun de l’accompagnement. L’occasion de penser les suites, notamment inspirés par les témoignages d’Elsa Bonnal et du PETR Causses et Cévennes, après avoir évalué le chemin parcouru, avec l’appui de Quadrant Conseil.
La Fabrique des transitions : faire alliance
Après avoir évalué le chemin parcouru au sein de la cohorte lors d’ateliers le matin, l’après-midi a été introduite par une table ronde placée sous le signe de la réciprocité et du « faire alliance », avec la volonté de poursuivre la dynamique de compagnonnage amorcée.
Julian PERDRIGEAT (Directeur de La Fabrique des transitions) a commencé par rappeler la spécificité de la Fabrique des transitions qui est avant tout une alliance de territoires – et d’acteurs en leurs seins – qui renouvellent la manière de conduire les transitions, à travers une approche à la fois sensible et systémique.
Depuis la tribune « En finir avec l’impuissance » parue en 2019 jusqu’à aujourd’hui, et malgré les vents parfois contraires, c’est toujours le même esprit qui l’anime : « nous sommes porteurs de solutions qui ont été expérimentées et ont donné des résultats sur le terrain ». La Fabrique des transitions continue de s’agrandir, du point de vue de l’association avec l’ouverture de la gouvernance à de nouveaux membres, et du point de vue de l’alliance, avec toujours plus de territoires accompagnés.
Par ailleurs, il a insisté sur l’importance du temps long, en prenant à témoin le Château de Grammont datant du XIe siècle dans lequel se déroulait la journée. « Nous sommes des bâtisseurs de cathédrales, héritiers de trois siècles de développement industriel : transformer les cadres de pensée, d’organisation et d’action prend du temps. » Désormais, il s’agit de passer d’une logique d’accompagnement à une logique de compagnonnage, dans l’esprit des artisans médiévaux : parfaire notre geste collectivement, s’épauler et transmettre à d’autres pour former une communauté qui, loin d’être restrictive, à vocation à s’agrandir.
Cette communauté est aussi une occasion pour continuer à évaluer les changements au long cours : « aujourd’hui nous voyons les bourgeons, pour que demain nous puissions cueillir les fruits – et surtout que nous les révélions – il faut continuer à étoffer les ramifications qui nous lient. »
L’AREC Occitanie : la réciprocité au cœur de la coopération
La cohorte régionale en Occitanie n’aurait pas non plus pu avoir lieu sans le concours de l’AREC Occitanie, qui a non seulement coordonné l’accompagnement à l’échelle locale, mais s’est également formée à la conduite de changement systémique chemin faisant, dans une logique de réciprocité avec la Fabrique des transitions.
Florence CHEMILLE (Responsable du pôle Ingénierie de la coopération à l’AREC Occitanie) témoigne de ce rôle « multi-casquettes », à la fois de mise en lien de La Fabrique des transitions avec la Région Occitanie et les partenaires régionaux (fidèle à la logique partenariale qui caractérise le réseau TOTEn), de coordination des différents temps de l’accompagnement et d’intervention au sein de certains territoires, à travers notamment la réalisation d’analyses sensibles.
« En Occitanie, le dérèglement climatique va avoir un impact très fort. Comment allons-nous habiter nos territoires demain ? Porter des projets de transition demande beaucoup d’énergie – qui, elle, n’est pas toujours renouvelable. »
Pour Florence CHEMILLE, l’accompagnement en cohorte était l’occasion de repenser la manière de mener la transition localement et d’élargir le cercle des acteurs impliqués pour créer une nouvelle dynamique et ne pas s’épuiser. Aujourd’hui, elle a très envie que le travail commencé se poursuive, que les liens entre les différents territoires se perpétuent au sein du réseau TOTEn et au-delà, et que les nouvelles pratiques plus transversales se renforcent, pour continuer à embarquer en interne et en externe des organisations.
Le PETR Causses et Cévennes : enrichir son expérience en la partageant
Le PETR Causses et Cévennes a, quant à lui, suivi un accompagnement en cohorte dédié aux enjeux de transition des territoires de montagnes, mené par la Fabrique des transitions sous l’égide de l’ANCT entre 2022 et 2024, auprès des territoires lauréats du plan « Avenir Montagnes Ingénierie ». Représenté lors de la journée par Sylvie PAVLISTA (Présidente) et Matthieu EYBALIN (Coordinateur), il est régulièrement sollicité pour partager son expérience.
Territoire rural, le PETR a vu l’accompagnement en cohorte comme une opportunité de pallier son manque d’ingénierie pour donner plus d’impact aux projets de transition portés localement. L’analyse sensible a eu un effet déclencheur, en invitant les équipes à se questionner sur la manière dont elles voyaient la transition dans leur territoire, avec la conviction qu’il y avait beaucoup à faire mais que « tout était possible ». Cela a aussi permis de connaître les acteurs incontournables du territoire et transformé les relations entre agents et élus. La restitution publique, réunissant près de 200 personnes en mai 2023, a également été un moment fort, qui a permis de commencer à embarquer plus largement les acteurs socio-économiques.
Au sein du PETR, les équipes se sont appliquées à intégrer la méthode transmise par la Fabrique des transitions, à commencer par le fait d’impliquer les « 4 Fantastiques ». « Au début cela nous faisait peur, mais finalement, ce n’est pas si compliqué et ça apporte beaucoup » confesse Sylvie PAVLISTA.
Fidèle à l’approche systémique prônée par la Fabrique des transitions, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) a aussi été pensé à partir d’une entrée « transition » et un projet de service a été créé à cette occasion : « preuve que l’accompagnement a changé nos manières de faire ».
De manière générale, le PETR s’est approprié l’approche de la Fabrique des transitions, en adaptant ses outils et son vocabulaire au contexte local. Depuis, la réalisation du projet pilote se poursuit – la création d’un sentier de grande randonnée – et il devrait voir le jour en juin 2025.
Par ailleurs, le PETR intervient régulièrement pour partager son expérience. « Au début, j’avais l’impression que je n’avais pas grand-chose à dire. On avance pas à pas, mais mis bout à bout, cela fait finalement beaucoup » concède Sylvie PAVLISTA.
« Tout ce que l’accompagnement nous a apporté, nous avons eu envie de le rendre, de renvoyer l’ascenseur » explique Matthieu EYBALIN. C’est d’abord une forme de reconnaissance du travail accompli mais aussi un pas de côté formateur, qui amène à s’interroger sur ce qui est fait pour pouvoir le partager. C’est également l’occasion de découvrir d’autres territoires et de se nourrir de leurs propres expériences. Enfin, la capacité d’acteurs de terrain à expliquer simplement ce qu’ils font à d’autres acteurs de terrain – à des pairs – est particulièrement appréciée.
Elsa BONAL : provoquer des questionnements
L’accompagnement en cohorte régional en Occitanie a aussi été possible grâce à l’intervention d’alliés de la Fabrique des transitions, qui ont notamment réalisé les analyses sensibles et appuyé l’initiation des projets pilotes. Elsa BONAL est l’une d’entre eux.
Alliée de longue date, la rencontre d’Elsa BONAL avec la Fabrique des transitions s’est faite dans les années 1990 par l’intermédiaire de Jean-François CARON, Président de la Fabrique des transitions, à Loos-en-Gohelle, commune dont il était maire. « Fille d’élu, j’ai été touchée par son engagement – et lorsque nous sommes plusieurs à être touchés par la même personne, nous faisons des choses ensemble. »
Dans le territoire qu’elle a accompagné, Elsa BONAL s’est inspirée de la méthode de la Convention citoyenne de Clermont-Ferrand pour réunir des personnes qui reflètent la sociologie locale et permettre au plus grand nombre de s’exprimer. C’est aussi une manière de légitimer les acteurs locaux et leurs savoirs, d’aller vers eux.
Dans cette configuration, il a fallu « sortir des concepts » pour composer avec la diversité des participants. « Parfois, les idées séparent au lieu d’aider à agir ». Il y a aussi des mots qui repoussent, comme le terme « éco » de « éco-hameau » qu’il a fallu retirer pour faciliter l’acceptation de la population. Et d’autres, comme le terme « Fantastique », qui sont proscrits à certains endroits car jugés trop prétentieux et moteurs à d’autres, où la reconnaissance qu’ils induisent est salvatrice.
Ainsi, plutôt que d’asséner des vérités, Elsa BONAL préfère provoquer des questionnements : « penser ensemble, cela crée une dynamique ». Selon elle, c’est justement ce que permet la Fabrique des transitions : réunir des personnes préoccupées par les mêmes questions.