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photo de Jerome Rieu - Délégué RTE Sud-Ouest Ingénieur du Corps des Mines, ancien élève de l’École Polytechnique (X97), Jérôme Rieu a exercé pendant sept ans des fonctions au sein de l’administration, pour le compte de la Préfecture de Région Languedoc-Roussillon puis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Il a ensuite rejoint RTE en 2010, où il a exercé successivement les fonctions de Directeur de Cabinet du Président du Directoire, Directeur du Contrôle de Gestion, Directeur de la Maintenance dans le Sud-Ouest avant d’être nommé Délégué RTE dans le Sud-Ouest à compter du 1er septembre 2023.

 

Jérôme RIEU, pouvez-vous nous présenter succinctement le nouveau S3REnR (Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables) ?
JR : Le Schéma Régional de Raccordement au Réseau des Énergies Renouvelables (S3REnR) est un outil au service de la transition énergétique. Il permet de réserver des capacités de raccordement sur le réseau électrique dédiées aux énergies renouvelables. Il définit les évolutions à apporter au réseau pour créer ces capacités, à hauteur de 6,8 GW (gigawatts = milliards de watts) à l’horizon 2030, valeur fixée par le Préfet de région pour le S3REnR Occitanie.
Conformément à la loi, ce schéma a été établi par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, en accord avec ENEDIS et les autres gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité possédant des postes-sources en Occitanie (Coopérative d’Electricité de Saint-Martin-de-Londres dans l’Hérault et Régie Municipale d’Electricité de Saverdun en Ariège).

Quels sont ses objectifs et pour répondre à quels enjeux ?
JR : La constitution de ce schéma répond à plusieurs objectifs qui, ensemble, permettent un raccordement efficace des EnR au réseau.

Tout d’abord, le S3REnR permet de donner une visibilité aux acteurs sur les capacités d’accueil des ENR. Ces capacités, qui sont réservées dans les postes électriques pour permettre leur raccordement, sont visibles sur le site www.capareseau.fr. Pour que ces capacités correspondent le mieux aux projets de développement d’EnR sur le territoire, il est important que les gisements soient déclarés de manière fiable en phase d’élaboration du schéma par les porteurs de projets. La plateforme AERO, mise en œuvre par RTE, permet de recenser ces déclarations.

Par ailleurs, grâce à la vision à long terme qu’il développe, le S3REnR permet d’optimiser les nécessaires adaptations du réseau pour accueillir les ENR. Il permet également de les anticiper afin que les développements de réseau soient au rendez-vous des mises en services des projets EnR. Ces développements de réseau peuvent en effet être longs et complexes.

Enfin, le schéma permet une mutualisation des coûts permettant à tous les producteurs EnR concernés de participer équitablement au financement des évolutions de réseaux. En effet, en se substituant aux règles classiques de raccordement, la répartition des coûts permet de ne pas faire porter aux premiers projets EnR l’ensemble des coûts d’adaptation du réseau. Chaque producteur paye ainsi une « quote-part » calculée en faisant le ratio des coûts d’adaptation du réseau générés par le schéma par les capacités réservées dans celui-ci. Pour l’Occitanie, la quote-part approuvée par le Préfet de région lors de l’élaboration du schéma a été fixée à 77,55 k€/MW. Cette quote-part n’est pas due pour les projets de moins de 250 kW.

Il faut garder à l’esprit que ce schéma est prospectif et qu’il ne se substitue pas aux procédures d’autorisation des projets d’adaptation du réseau ni des projets d’installation de production d’énergies renouvelables. Par ailleurs, le schéma est adaptable et peut, une fois publié, intégrer dans une certaine mesure des évolutions au cours de sa mise en œuvre.

Quelles sont les spécificités régionales de ce schéma ?
JR : L’Occitanie dispose sur son territoire de moyens de production d’électricité diversifiés. Grâce aux montagnes des Pyrénées et du sud du Massif central, elle a été une région pionnière dans le développement de l’hydroélectricité. La production annuelle totale d’électricité de la région s’établit à 32,7 TWh en 2021. Cette production se répartit entre 45,2 % issus du nucléaire (la centrale de Golfech dans le Tarn-et-Garonne), 31,5% de l’hydroélectricité, 11% de l’éolien et 9,2% du solaire. Hydraulique inclus, la production des énergies renouvelables s’établit en 2021 à 17,6 TWh et permet de couvrir 46% de la consommation électrique régionale. En tenant compte de la production de la centrale nucléaire de Golfech, la production annuelle totale d’électricité en Occitanie a couvert 86% de la consommation électrique régionale en 2021. A noter qu’en termes d’énergie solaire, l’Occitanie est la seconde région française avec 2 623 MW installés fin 2021.

Compte-tenu de la dynamique importante de développement des EnR en Occitanie, le S3REnR de la région est ambitieux et nécessite des investissements importants de la part des gestionnaires de réseau. La carte ci-dessous donne une vision des ouvrages à renforcer et créer, soulignant cette ambition et une répartition régionale bien équilibrée.
S3REnR : carte des investissements
Source : RTE. Le S3REnR prévoit 15 postes à construire, 8 postes à étendre, 84 postes concernés par des ajouts ou mutations de transformateurs, 100 automates à installer, 240 km de lignes souterraines à construire ainsi que 250 km de lignes aériennes à renforcer

 

Pouvez-vous nous préciser en quoi ce schéma impacte les collectivités ?
JR : S’agissant de la mise en œuvre du schéma, les projets d’ouvrages électriques à créer sont lancés progressivement en fonction des demandes de raccordement adressées aux gestionnaires de réseaux. Ces projets font alors individuellement l’objet de leurs propres instruction administrative et concertation avec les acteurs du territoire, pour définir l’emplacement précis des futurs postes ou le tracé des futures lignes en tenant compte des enjeux techniques, financiers, environnementaux et sociétaux. Je tiens d’ailleurs à souligner la forte sensibilité environnementale de nombreux secteurs géographiques de la région. Le S3REnR a fait l’objet d’une analyse environnementale globale mais chacun des projets qui s’y inscrit doit également respecter le cadre règlementaire de protection de l’environnement.

RTE s’efforce également de maintenir un dialogue régulier avec les acteurs du territoire, dont les collectivités et les syndicats d’énergie, sur l’enjeu de l’insertion des ENR. Nous participons notamment aux « pôles EnR » mis en place sous l’égide des Préfectures dans de nombreux départements.
Enfin, il convient de souligner l’intérêt économique général du schéma, par les investissements qu’il génère, à travers les retombées économiques pour les territoires ainsi que par l’effet attractif de la fourniture d’une électricité de qualité et d’origine renouvelable pour des investisseurs économiques (au-delà même de la filière EnR). Pour nos projets d’investissement, nous nous efforçons de mener un travail avec les CCI afin de maximiser les retombées économiques locales et régionales.

Les collectivités locales sont aussi concernées par la loi APER de mars 2023 et l’établissement des zones d’accélération. Ces zones contribueront à mieux connaître les zones favorables aux gisements. La loi APER prévoit d’ailleurs une évolution de l’élaboration des S3REnR. Nous sommes en attente des décrets d’application mais le S3REnR devrait s’orienter vers une révision tous les deux ans sur la base des projets de production déclarés sur la plateforme Aero mise en place par RTE pour les producteurs.