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Dominique Tilak, Directrice générale d'Atmo Occitanie
Directrice générale d’Atmo Occitanie, Dominique Tilak est diplômée de l’Université de Montpellier et de l’Ecole du Génie Rural des Eaux et Forêts de Nancy. Elle est depuis une dizaine d’années à la direction de l’observatoire régional de la qualité de l’air, après 15 années au sein de l’Office National des Forêts. Son engagement professionnel est tourné vers la qualité de vie et la préservation entre équilibre environnemental et activités humaines raisonnables.

 

Dominique TILAK, vous êtes Directrice générale d’Atmo Occitanie, l’Observatoire agréé pour assurer la surveillance de la qualité de l’air sur le territoire de la région Occitanie. Pouvez-vous nous présenter Atmo Occitanie en quelques mots ?

Dominique Tilak : Atmo Occitanie est une association agréée de surveillance de la qualité de l’air. Nous sommes agréés pour suivre et prévoir la qualité de l’air au quotidien et annuellement sur l’ensemble du territoire d’Occitanie. Il existe une association comme la nôtre dans chaque région de France. Nous avons donc des dispositifs intégrés constitués par :
un inventaire des sources de pollution atmosphérique : nous produisons sur l’ensemble du territoire la localisation et une quantification des sources de pollution atmosphérique et gaz à effet de serre ;

  • des modèles de dispersion couplés avec des modèles météo et la topographie des territoires ;
  • des dispositifs de mesure qui vont nous permettre de valider l’ensemble des cartographies de pollution atmosphérique que nous produisons sur la région Occitanie.

Ces dispositifs vont aussi nous permettre de faire une prévision à J et J+1 de façon à informer la population et en particulier les personnes sensibles en cas d’épisode de pollution.
Il faut savoir que nos structures sont complètement indépendantes et que nous avons une obligation de transparence sur tout ce que nous produisons, donc l’ensemble de nos données est valorisé sous forme de rapports. C’est un peu plus de 150 rapports qui sont ainsi produits annuellement et mis en ligne pour que chacun des citoyens puissent connaître la pollution atmosphérique et l’état des connaissances sur le territoire sur lequel il vit.

A l’origine de nos structures : la Loi sur l’Air et de l’Utilisation Rationnelle de l’Energie en 1996 : le législateur avait bien fait les choses en mettant en évidence que les premières sources de pollution atmosphérique aujourd’hui, ce sont nos consommations énergétiques. L’utilisation de notre énergie et notamment des énergies faisant appel à des combustions, que ce soit le gaz, les carburants ou le bois ou le fioul, vont émettre de la pollution atmosphérique et des gaz à effet de serre. Le législateur a souhaité avoir des structures indépendantes qui puissent diffuser en toute transparence une information sur la pollution atmosphérique et sur la qualité de l’air. Nous avons donc été créés avec une gouvernance partagée, avec des financements multipartites qui nous permettent de fonctionner et de diffuser au quotidien une information sur le territoire d’Occitanie. Nos collègues font exactement la même chose sur chacune des régions de France. Et nous avons un organisme certificateur qui est un groupement d’intérêt scientifique, le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air, garantissant que ce que l’on fait en Occitanie est comparable à ce qui est fait sur toutes les régions de France. Ainsi, l’Etat français va utiliser nos données pour rapporter à l’Europe la situation de la qualité de l’air sur le territoire national.

Quand on parle de pollution atmosphérique, finalement, de quoi parle-t-on ?

DT  : La pollution atmosphérique a été définie dans la loi LAURE. Et la loi précise que constitue une pollution atmosphérique l’introduction par l’homme dans l’atmosphère de toute substance qui vont avoir un effet environnemental, un effet sanitaire ou un effet climatique. Donc l’enjeu, pour nous tous, est effectivement de surveiller de façon coordonnée l’ensemble des pollutions atmosphériques. Parce que souvent, lorsqu’il existe de la pollution atmosphérique, il existe des effets sanitaires, des effets sur la biodiversité et des effets au niveau du changement climatique.

Pourquoi surveille-t-on la qualité de l’air ? Quels sont les enjeux et les impacts en lien avec cette qualité de l’air ?

DT  : Le premier enjeu est sanitaire et il est important, puisque la pollution atmosphérique au niveau national est la deuxième ou troisième cause de mortalité en France. La pollution atmosphérique caracole en tête entre l’alcool et le tabac. C’est de l’ordre de 40 000 morts par an soit à peu près 10 % de la mortalité annuelle.
L’enjeu est aussi économique : les effets de la pollution atmosphérique sont évalués à plus de 1400 € par an et par habitant. La pollution atmosphérique, par son impact sur la santé notamment, a une incidence économique extrêmement forte. Il y a donc une importance primordiale à améliorer la qualité de l’air et à réduire effectivement la pollution atmosphérique à laquelle les populations sont exposées.
Enfin l’enjeu est environnemental, en particulier en ce qui concerne l’ozone, qui a un impact direct sur la végétation et la biodiversité avec des réductions de production végétale et réduction du fonctionnement photosynthétique des végétaux. Un certain nombre d’indicateurs nous permettent de suivre l’impact de l’ozone sur cette végétation.
In fine, au-delà de ces enjeux, il s’agit d’améliorer les choses et de travailler sur les actions qui vont pouvoir être mises en œuvre pour réduire les émissions et l’impact des polluants atmosphériques.

Et de manière plus spécifique quelle est la situation en Occitanie ?

DT  : La situation en Occitanie est un peu similaire à la situation observée sur d’autres régions de France. La mobilité est une problématique importante puisque les oxydes d’azote sont principalement émis par nos déplacements. Les oxydes d’azote sont un polluant irritant pour les voies respiratoires, avec un impact sanitaire important. Ils sont émis principalement par le trafic routier. C’est un peu plus de 60 % des émissions d’oxyde d’azote qui proviennent du trafic routier, trafic routier qui par ailleurs émet de l’ordre de 40 % de gaz à effet de serre. Donc il est important d’agir sur le trafic routier pour améliorer les choses en termes de pollution atmosphérique au niveau global.
Mais il y a aussi une problématique importante du point de vue sanitaire qui va s’accroître dans les années à venir qui sont les particules, les particules de différents diamètres. Plus les particules sont fines, plus elles vont avoir un impact sur la santé. Aujourd’hui, la première source de pollution aux particules sur l’Occitanie, ce sont les dispositifs de chauffage et notamment de chauffage au bois. Plus un dispositif va être ancien, plus il va consommer du bois et plus il va avoir émettre des particules.
C’est effectivement un des enjeux primordiaux là aussi que de réduire ces quantités de particules dans l’atmosphère. C’est d’autant plus important que l’Organisation Mondiale de la Santé a réévalué, à partir de l’évolution des connaissances scientifiques, ses recommandations en matière d’exposition à la pollution atmosphérique : les seuils ont été notablement abaissés et nous incitent à agir pour améliorer la qualité de l’air et protéger durablement notre santé.

Parmi les enjeux vous avez indiqué ceux, spécifiques à la période estivale, pouvez-vous nous en dire plus ?

DT  : Effectivement, la période estivale est une période clé en matière de pollution atmosphérique pour la région Occitanie, d’autant plus dans le contexte de changement climatique. Au moment des épisodes chauds de l’été, l’ozone se forme à partir des oxydes d’azote, émis par le trafic routier, mais aussi à partir des émissions de composés organiques volatiles qui peuvent provenir des usines, de l’activité industrielle et de certaines activités des particuliers, en lien avec l’utilisation de vernis, de peinture. Et puis les émissions de certains végétaux naturels comme les pins, les résineux, vont émettre des composés organiques volatiles qui, sous l’effet de la température et du rayonnement solaire, vont se transformer en ozone.
La saison estivale est d’autant plus importante pour notre région qu’elle est celle d’une forte attractivité touristique : l’été, on a beaucoup plus de monde sur les routes d’Occitanie ! Donc plus d’émissions d’oxydes d’azote et des conditions climatiques favorables qui peuvent générer des concentrations en ozone plus importantes et des épisodes de pollution à l’ozone plus nombreux.

Vous nous avez parlé des enjeux spécifiques en Occitanie, des polluants identifiés. Finalement, comment vous remettez à jour et vous requestionnez ces polluants et quels sont les enjeux à venir en Occitanie ?

DT  : Ce qui nous mobilise, c’est d’apporter des réponses aux questions qui nous sont posées. Et parmi les questions qui nous sont posées de façon générale au niveau de nos associations, c’est l’impact des pesticides dans l’air sur la santé.
L’Occitanie est la seconde région de France en surface agricole, première région viticole. Les questions sont nombreuses, donc nous avons mis en place avec certains de nos partenaires, des dispositifs de mesure qui nous permettent d’une part d’avoir un état des lieux de la composition du compartiment aérien en pesticides et de voir les évolutions, car les pratiques agricoles évoluent notablement. D’autre part, ces données sont mises à disposition des organismes de santé qui pourront un jour, nous l’espérons, répondre aux questions qui nous sont posées concernant l’impact sanitaire potentiel de ces substances.
L’Occitanie est par ailleurs particulièrement touchée par des problématiques notamment liées aux perturbateurs endocriniens, avec une puberté précoce chez les jeunes filles et des problèmes d’infertilité chez les jeunes garçons. Donc nous avons voulu investiguer la faisabilité d’évaluer dans l’air la présence de perturbateurs endocriniens. Nous aurons un dispositif qui sera déployé dans les années à venir, toujours pour améliorer les connaissances et apporter des éléments aux organismes de santé pour qu’ils puissent un jour, eux, apporter des réponses sur l’impact éventuel des perturbateurs endocriniens sur la santé.

Merci beaucoup Dominique Tilak. Dans le cadre du réseau TOTEn, nous nous adressons aux collectivités d’Occitanie qui œuvrent pour la transition énergétique. S’il y avait un message à leur transmettre, quel serait-il sur le sujet de la qualité de l’air ?

DT  : Si on veut améliorer la qualité de l’air et réduire de façon globale la pollution atmosphérique, il est indispensable de réduire nos consommations énergétiques qui sont émissives, et toutes les combustions sont émissives. A chaque fois que nous réfléchissons à améliorer la qualité de l’air, réfléchissons à réduire les émissions de polluants atmosphériques, donc à réduire nos consommations énergétiques.