L’accélération du changement climatique impacte fortement la ressource en eau et les milieux aquatiques. L’adaptation des territoires et des usages de l’eau en Occitanie devient urgente pour pallier aux conflits d’usage et aux situations de crise.
- Carte de l’évolution du débit des cours d’eau en France depuis les cinquante dernières années
- Damien Carles / Terra
A l’échelle de l’Occitanie, on observe déjà une évolution du climat plus forte qu’à l’échelle nationale, avec notamment +2,1°C en Occitanie sur 2011-2020 par rapport à l’ère pré-industrielle (+1,7°C en France, +1,1°C au niveau mondial), un nombre de journées de forte chaleur (température maximale supérieure à 30 °C) qui a doublé à Toulouse entre 1950 et 2020, un nombre de nuits tropicales (où la T°mini >20 °C) qui a été multiplié par 3 à Nîmes depuis 1950 et on observe également la perte de 90 % de la surface des glaciers des Pyrénées.
Les projections de la Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) prévoient plus de 60 jours de nuits tropicales par an sur le pourtour méditerranéen entre 2040 et 2050 et une température moyenne annuelle de +3,5°C pour 2100. C’est approximativement la différence entre Montpellier et Séville ou Toulouse et Lisbonne aujourd’hui.
Deux tendances opposées se dessinent avec des augmentations de pluies en hiver (+7%) et de fortes diminutions en été (- 24%). L’été 2022, deuxième été le plus sec depuis 2000, deviendrait un été normal en fin de siècle.
Évidemment, ces évolutions ne seront pas sans conséquences sur les infrastructures (retrait-gonflement des sols argileux), sur la ressource en eau, les risques, la biodiversité, les activités économiques (tourisme notamment), la santé...
La décennie 2020-2030 est absolument décisive pour l’atténuation comme pour l’adaptation.
Si l’on reprend les définitions du GIEC, l’atténuation est définie comme « l’intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre » ; l’adaptation est « une démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences ».
Le changement climatique sur le bassin Adour-Garonne
Sur le Bassin Adour-Garonne, on observe déjà +1°C de la température de l’air entre 1960 et 2010 et une baisse des débits naturels de 1% par an entre 1968 et 2020. Selon les derniers résultats de l’étude Explore 2 (juin 2024), le Sud-Ouest de la France est une zone particulièrement exposée aux impacts du changement climatique. Ce territoire connaitra une hausse de température plus importante que la moyenne nationale, en particulier sur la chaine pyrénéenne où elle pourra atteindre les + 6° C en 2100. Le Sud-Ouest est un hotspot avéré du changement climatique.
En ce qui concerne les précipitations, les modèles projettent différentes évolutions. Dans le Sud, le ratio d’évolution des pluies est plutôt négatif du fait d’une hausse limitée des précipitations en hiver estimée à +13 %, et à l’inverse d’une forte baisse de ces précipitations en été pouvant atteindre jusqu’à moins 30 % dans notre bassin. Du fait de la hausse des températures moyennes qui va notamment générer une hausse de l’évapotranspiration de l’eau par les végétaux, mais aussi des évolutions des précipitations en quantité et en régime, l’hydrologie de notre bassin va connaitre des modifications radicales. Le Sud-Ouest est identifié comme la zone dans laquelle les débits des cours d’eau seront les plus touchés en période estivale. Ils seront divisés par deux d’ici la fin du siècle, certains scenarios conduisant même à une diminution de 60%. Les assecs seront plus nombreux. Les sécheresses seront aussi plus fortes et plus fréquentes. Aujourd’hui, à l’échelle du bassin, le déficit calculé sur le respect du Débits Objectifs d’Étiage (DOE) 8 années sur 10 est estimé à 200-250 millions de m3 et se concentre sur une période d’étiage courte (3 à 4 mois). En 2050, avec une pluviométrie annuelle globalement inchangée (ou légèrement déficitaire), et une baisse des débits naturels, de l’ordre de -20 à -40% sur l’année, voire de -50% en période d’étiage, le déficit est estimé entre 1 000 et 1 200 millions de m3.
Les usages doivent donc nécessairement évoluer vers plus de sobriété et des changements structurels. Il est à noter que les nouvelles connaissances invitent à penser que les prélèvements sur le bassin pour l’AEP pourraient augmenter en raison d’un afflux de population et de besoins accrus en raison de la chaleur.
En synthèse, les effets du changement climatique sur le bassin Adour-Garonne se traduisent par une méditerranéisation du climat impliquant une augmentation des températures moyennes et des épisodes de sécheresse plus fréquents et plus intenses dans des territoires qui n’avaient pas ces caractéristiques auparavant. Il entraine également une diminution de la disponibilité en eau, une perturbation des écosystèmes et une augmentation de la fréquence de l’intensité des feux de forêt.
- Cours d’eau à sec (étiage)
- Laurent Mignaux / Terra
Le changement climatique sur le bassin Rhône - Méditerranée
La température moyenne de l’air a augmenté de +1,8 °C sur la période 1960-2020 sur le bassin. Ce réchauffement est plus important sur certains secteurs, dépassant les +2,5 °C en moyenne annuelle. Il est davantage marqué en été. Cette tendance devrait s’aggraver à l’avenir. D’après les travaux de Météo France, la hausse supplémentaire de la température moyenne annuelle pourrait atteindre +2,3 °C d’ici le milieu du siècle sur le bassin.
Le réchauffement de l’air entraîne des eaux de surface plus chaudes, réchauffement parfois atténué localement par les apports d’eau fraîche issue d’eau souterraine ou de la fonte de la neige et des glaciers. Cette évolution influence la qualité physico-chimique de l’eau et les conditions d’habitat de la flore et la faune, en particulier pour les poissons et les invertébrés benthiques très sensibles à ce paramètre. Pour le Rhône, depuis les années 1970, la température moyenne de l’eau du fleuve a déjà augmenté de +4,5 °C au sud.
Les précipitations annuelles n’ont pas significativement évolué sur la période 1960-2020, mais les projections pour le futur envisagent un bassin coupé en deux, avec une tendance sensible à l’augmentation au nord et à la baisse au sud. Il faut en outre se préparer à des contrastes saisonniers bien plus marqués entre l’été et l’hiver, avec sur certains secteurs des baisses de précipitations en été au-delà de -15 % et des hausses en hiver dépassant les 20 %, à l’horizon 2050.
L’hydrologie des cours d’eau a changé au cours des dernières décennies sous l’effet conjugué du réchauffement, de l’augmentation de l’évaporation et de l’assèchement des sols.
Les débits d’étiage vont continuer à baisser au cours des prochaines décennies, de l’ordre de -10 à -60 % à l’horizon 2050 selon les cours d’eau. Pour le fleuve Rhône, il faut s’attendre à ce que ces débits d’étiage baissent de -20 % supplémentaires.
La tendance à l’assèchement des sols se traduit également par une baisse de la recharge des eaux souterraines par les précipitations et l’infiltration des cours d’eau. En conséquence, la disponibilité de la ressource en eau tend à diminuer et les sécheresses agricoles sont plus fréquentes.
L’élévation du niveau de la mer est d’ores et déjà constatée, de l’ordre de 20 cm entre 1901 et 2018, avec une nette accélération ces dernières années (+4 cm entre 2006 et 2018). Elle devrait continuer avec une hausse possible estimée par le GIEC de +15 à +30 cm d’ici 2050 et +30 cm à +1,1 m d’ici 2100. Si l’ampleur réelle du phénomène reste difficile à préciser, le signal est là et invite à se préparer à des phénomènes d’érosion ou de submersion marine plus marqués sur le littoral méditerranéen en particulier la partie occitane. La montée du niveau de la mer renforce également directement le risque de salinisation des eaux souterraines littorales et le risque inondation par remontée de nappes lorsqu’elles sont peu profondes.
- Pieux en bois de protection contre l’érosion côtière
- Manuel Bouquet / Terra
Les effets du changement climatique induisent des dommages et des coûts associés. L’aggravation des étiages et la diminution de la recharge des aquifères mettent à mal l’équilibre entre la pression de prélèvement et la quantité d’eau dans les rivières et les nappes. L’évolution climatique va également augmenter les besoins d’eau et les pics de demande en eau vont correspondre avec la période de moindre disponibilité de la ressource. Il faut donc se préparer à une intensification des conflits d’usages et des situations de crise.
Avec l’accélération du changement climatique et de ses effets sur la ressource en eau et les milieux aquatiques, l’adaptation des territoires et des usages de l’eau à ces changements devient urgente. Il faut agir plus vite et plus fort, notamment sur les secteurs les plus vulnérables à ces évolutions.