Notre société est de plus en plus mobile : les transports et les mobilités sont devenus centraux pour assurer le dynamisme, le fonctionnement et l’attractivité des territoires. Les usagers adoptent des modes de déplacements de plus en plus variés - voiture, vélo, trottinette, marche à pied, bus, tramways etc. Des efforts et des renouvellements vis à vis des aménagements urbains et ruraux s’avèrent nécessaires afin d’accompagner l’essor rapide des mobilités sur les territoires. Les collectivités doivent veiller à l’articulation et à la cohérence de leurs stratégies de mobilités et d’urbanisme pour faire face à ces évolutions et proposer un aménagement du territoire adapté à ces nouvelles pratiques de mobilité.
L’essor de la multimodalité : de nouveaux enjeux pour les collectivités
L’élargissement des besoins en termes de mobilité a des conséquences variées selon les territoires. En milieux urbains, la congestion routière est de plus en plus importante, l’étalement urbain de plus en plus marqué. Si l’alternative en transports en commun est proposée, ces derniers deviennent rapidement saturés, notamment aux heures de pointes. Les milieux peu denses, a contrario, rencontrent davantage de difficultés d’accessibilité aux offres de transports et aux services.
Le partage des espaces et de la voirie entre les différents modes de déplacements s’avère également difficile. Plusieurs études (Cerema, OCDE) ont révélé le partage inégal de l’espace public à l’occasion de la période de confinement due à l’épidémie de COVID-19. La prédominance des espaces dévolus à l’usage de la voiture sur ceux dédiés aux piétons ou modes actifs a ravivé les réflexions autour de la planification de la mobilité. Les aménagements actuels semblent encore peu adaptés pour accueillir l’essor des nouvelles mobilités sur les territoires.
La réponse à ces problématiques passera par l’approfondissement par les collectivités de la cohérence entre urbanisme, transport et mobilités. Assurer cette cohérence contribue à :
- limiter l’étalement urbain et réduire la congestion ;
- densifier autour des axes de transports ;
- éviter la mono fonctionnalité et tendre vers de la multifonctionnalité ;
- assurer l’accessibilité des services et des offres de transport ;
- promouvoir des modes de déplacements propres et actifs, mieux adaptés à des distances raccourcies.
- redynamiser les centres villes et centres bourgs, par l’accueil et le développement de commerces de proximité.
Prendre en compte les déplacements dans les stratégies d’aménagements territoriales
Les collectivités sont garantes de la solidité des réseaux de transports publics proposés et de leurs connexions avec les territoires alentours. L’efficacité et la qualité des réseaux de bus, tramways ou encore métros proposés dépendent de leur cohérence avec les territoires desservis. Un même réseau pourra varier en termes d’infrastructures, fréquences ou autres, selon le quartier, la commune, l’agglomération ou le territoire traversé.
Les collectivités assurent également la coordination des actions sur les déplacements, entre autres, avec les ambitions locales, régionales et nationales de transition énergétique.
Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) est un document de planification de référence pour veiller à la transversalité des actions des collectivités sur leur territoire. Ce document stratégique et prospectif, qui s’oppose aux Plans Locaux d’urbanisme, fédère et intègre les différentes politiques sectorielles à l’échelle intercommunale. Il doit notamment être compatible avec le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Équilibre des Territoires, document qui définit les directions stratégiques régionales. Le SCoT sert de cadre de référence pour toutes les politiques territoriales en termes d’organisation de l’espace, ce qui le rend pertinent pour répondre aux enjeux posés par l’essor des mobilités et des pratiques multimodales...
Le SCOT propose plusieurs outils de diagnostics et d’actions qui permettent d’articuler la mobilité et les déplacements avec les autres enjeux territoriaux qu’il aborde : économie, habitat, air, énergie, climat, paysage, gestion économe de l’espace stratégique. Ces diagnostics participent par exemple à identifier les flux et besoins en mobilité à l’échelle intercommunale et à localiser les équipements existants. L’évaluation environnementale associée au SCOT favorise l’articulation des actions de mobilités avec la séquence gouvernementale « Eviter, Réduire, Compenser » en matière de préservation des milieux naturels et de l’environnement. Cette séquence incite les territoires d’éviter et réduire leurs impacts négatifs significatifs sur l’environnement ou à minima de les compenser.
Son document d’orientations et d’objectifs regroupe les grandes actions opposables en termes de desserte en transports publics, de zonages, de localisation des espaces commerciaux et artisanaux ou encore de stationnements au profit d’une desserte équilibrée du territoire.
Le Plan Climat Air Énergie Territorial est un document de planification stratégique complémentaire. Il cadre notamment l’articulation des déplacements et mobilités avec la politique énergétique et climatique de la collectivité.
Le Plan Local d’Urbanisme traduit au niveau communal les grandes orientations fixées par les SCOT et PCAET à l’échelle de l’intercommunalité. Il annonce les choix des collectivités en termes de stratégies de mobilités, d’allocation des ressources et partages des espaces. En organisant le partage des voies, les règles de stationnement ou encore de vitesses, le PLU favorise la régulation et la coexistence des différents modes de déplacements.
Le Syndicat Mixte du SCOT Vallée de l’Ariège en Occitanie, a par exemple élaboré un Plan de Global de Déplacements pour mettre en œuvre les différents leviers concourant à maîtriser l’usage de la voiture particulière : le stationnement, le développement des modes dits « actifs » - marche à pieds, vélos -, la promotion d’un réseau de transport public attractif, l’urbanisme, le partage des espaces publics...
Partager la gouvernance pour articuler ses stratégies d’urbanisme, transports et mobilités
La cohérence des stratégies d’urbanisme, transports et mobilités repose également sur l’articulation des différents échelons territoriaux et acteurs compétents en termes de mobilité. Les rencontres et dialogues sont un levier de taille pour proposer une offre mobilité adaptée aux spécificités territoriales.
Différents outils opérationnels témoignent de l’importance d’une gouvernance partagée pour sceller et concrétiser l’articulation des stratégies territoriales.
• L’élaboration du SCoT de la grande agglomération toulousaine (5 EPCI : Toulouse Métropole, SICOVAL, Muretain agglo, Communauté de communes de la Save au Touch, Communauté de communes des coteaux Bellevue), en 2012 a inspiré le développement d’une nouvelle option de contractualisation, le contrat d’axe, pour favoriser l’articulation des actions de transports et d’urbanisme. Il propose de conclure un contrat innovant entre acteurs des transports et de l’aménagement urbain à l’occasion de toute nouvelle infrastructure de transport collectif. Le contrat d’axe permet de programmer en même temps les opérations de transport et d’urbanisme et vise à synchroniser les calendriers de ces aménagements. Dans le cadre du SCoT Toulouse Métropole, l’ouverture de toutes nouvelles zones à urbaniser ne peut se faire sans l’élaboration d’un contrat d’axe. Cette mesure encourage la création et le développement d’une culture commune entre les acteurs de l’aménagement et du transport du territoire, qui travaillent en collaboration.
• Le contrat de gare est une autre option formalisant la cohérence entre le développement de l’urbanisation autorisée par le SCOT et les transports collectifs du niveau régional - Transports Express Régionaux. Il est conclu entre la Région et les collectivités volontaires situées dans une zone d’influence d’une gare ferroviaire TER. Il encourage une réflexion préalable sur les conditions de desserte en transport collectif et sur les modalités d’intensification urbaine le long de l’axe ferroviaire pour toute nouvelle action d’urbanisation. A la suite de ses Etats Généraux du Rail en 2016, la Région Occitanie a entrepris la révision de ses conventions Transports Express Régional avec la SNCF pour renouveler ses contrats autocars et trains auprès des territoires, au regard des nouveaux besoins et objectifs identifiés.
• L’agglomération du SICOVAL a quant à elle mobilisé un Pacte urbain pour assurer la cohérence entre les projets d’urbanisation et leurs conditions d’accessibilité. Ce Pacte urbain réunit le Sicoval, les trois communes – Ayguesvive, Baziège, Mongiscard - concernées par les projets, le Département de la Haute Garonne, la Région Occitanie et Tisséo Collectivités, autorité organisatrice de mobilité sur le territoire. Ce Pacte urbain permet d’établir des diagnostics communs et de partager les décisions dans le cadre notamment de la création d’une Zone d’activités sur le territoire, la ZAC du Rivel. Cette ZAC pouvant accueillir près de 1200 habitants et 2500 emplois, la gouvernance autour de l’offre de transports s’avérait nécessaire.
La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (2000) insiste sur la cohérence territoriale et cette nécessité d’articuler la planification urbaine avec les politiques de déplacements.
Les documents d’urbanisme doivent, depuis les années 2000, tenir compte des conséquences de l’urbanisation sur les trafics et donner la priorité au développement des zones desservies par les transports publics. Les plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent être compatibles - au sens juridique du terme - avec les Plan de Déplacements Urbains (PDU). Ces mêmes PDU doivent quant à eux être compatibles avec les schémas de cohérence territoriaux (SCOT) et Plan Climat Air Énergie (PCAET), lorsqu’ils existent.
Les périmètres de la planification des mobilités doivent également s’élargir pour proposer des dessertes multimodales et cohérentes sur l‘ensemble des territoires d’Occitanie. Les PDU ciblent jusqu’ici les aménagements en zones urbaines. En proposant un Plan de mobilité - obligatoire pour les territoires de plus de 100 000 habitants - et la possibilité de mettre en place un Plan de Mobilité simplifié pour les territoires volontaires (Lien vers Article Cadrage 3), la loi LOM de 2019 intègre les connexions avec les territoires périurbains et / ou de faibles intensité alentours dans les stratégies mobilité et urbanisme des collectivités. Cette mesure participe à rééquilibrer l’accessibilité et la mobilité des usagers.
Les Pôles d’Echanges Multimodaux en Occitanie : exemple d’une mise en cohérence des stratégies territoriale au service des mobilités durables.
Depuis 2016, la Région Occitanie mise sur le développement de Pôle d’Echange Multimodaux (PEM) pour concrétiser un service public de transport accessible, propre et innovant sur son territoire. Un PEM se caractérise par la mise à disposition de plusieurs modes de transports, sur une seule et même plateforme. Généralement axé autour des gares, les usagers ont ainsi à leur disposition des choix variés de mobilités : vélo, marche à pied, train, navettes fluviales, voitures, transports collectifs etc. Le soutien au développement des PEM par, et sur, ses territoires est un axe fort de la stratégie de mobilité définie par la Région Occitanie, reprise dans son SRADDET.
Les retours d’expériences suite aux PEM déployés entres autres sur l’Agglopole de Sète, la Communauté de communes Pays de Lunel ou encore la commune de Baillargues, illustrent l’importance de la gouvernance partagée dans leur concrétisation. Une gouvernance partagée permet à la fois de répartir le financement des opérations mais également de réfléchir à un projet adapté aux spécificités et politiques de mobilité locales. Les retours d’expériences de ces trois Pôles d’Échanges Multimodaux régionaux attestent aussi une hausse des fréquentations de gare après travaux.
En parallèle des projets de PEM, la Région Occitanie s’est engagée dans un projet d’augmentation des liaisons TER sur de nombreux axes ferroviaires régionaux. Ces engagements développent une meilleure desserte des territoires, favorisant alors l’attractivité des gares. Les travaux de PEM sont une adaptation des aménagements pour pouvoir accueillir davantage de rabattements pendulaires (jusqu’alors réalisés en voiture). L’augmentation de la fréquence exerce un impact direct sur la fréquentation de ces gares.
vignette : Lio Occitanie