La prise en compte des déplacements pendulaires

un préalable au dynamisme économique d’un territoire

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L’organisation des déplacements domicile – travail ou domicile – étude est un enjeu principal pour les collectivités et fait partie intégrante des actions de coordination de la transition énergétique qu’elles entreprennent. Principal indicateur permettant de définir les bassins de vie et d’emplois qui structurent nos territoires, l’efficacité des déplacements pendulaires représentent un levier d’attraction économique important pour les collectivités. A contrario des difficultés de déplacements peuvent nuire au dynamisme économique local. Les caractères contraints, prévisibles et réguliers de ces déplacements favorisent la promotion de mobilités alternatives à l’autosolisme auprès des usagers. S’intéresser aux déplacements domicile-travail ou domicile-étude sur son territoire participe à approfondir sa connaissance des dynamiques de déplacements sur celui-ci. Réaliser un diagnostic des mobilités pendulaires permet d’accompagner autant les stratégies territoriales de transition énergétique que le développement et l’accessibilité des emplois.

 

Les ressources pour caractériser les mobilités quotidiennes des territoires d’Occitanie

Les déplacements domicile – travail ou « mobilités pendulaires » désignent les déplacements quotidiens effectués pour rejoindre et quitter les lieux de travail ou d’études. Ces mobilités pendulaires varient en termes de modes de transports - ou « navettes » - utilisés, de distances et de durées.
En France, les analyses statistiques nationales de l’INSEE renseignent et détaillent les mobilités pendulaires des territoires. Leurs identifications et caractérisations s’effectuent à l’échelle de l’aire urbaine. L’aire urbaine ou "grande aire urbaine" » est définie par l’INSEE comme "un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci".

Au niveau de l’Occitanie, une étude 2017 de l’Agence d’Urbanisme et d’Aménagement de Toulouse (AUAT) comptabilise 24 aires urbaines au niveau régional. Les collectivités peuvent identifier les flux et réseaux existants et comprendre l’organisation fonctionnelle au sein et entre ces 24 aires urbaines en se rapprochant de l’Observatoire régional des transports en Occitanie. Les données fournies peuvent être complétées par les cartographies des bassins d’emplois et des flux pendulaires régionaux proposées par Picto Occitanie, porté par les services régionaux de l’Etat, ou encore la plateforme Terristory, portée par l’AREC et la Région Occitanie.

Les diagnostics relatifs aux modalités pendulaires aident par exemple les collectivités à caractériser :

  • la répartition modale, les distances parcourues, le temps passé à se déplacer ;
  • les heures d’affluences et le temps de déplacements au cours de ces heures d’affluences ;
  • les offres de déplacements existantes et en projet couplées aux sources d’insatisfaction et de satisfaction pour les usagers concernant celles-ci ;
  • les zones blanches, à savoir les zones non desservies ;
  • les superpositions de transports similaires ou complémentaires ;
  • les offres de déplacements en modes actifs tels que le covoiturage, autopartage ;
  • la part des travailleurs résidant en dehors des aires urbaines.
  • la part de déplacements en chaîne à savoir les déplacements domicile-travail non directs réalisés. Ils correspondent aux différents déplacements complémentaires sur les trajets d’aller et retour pour réaliser d’autres activités. Ils présentent ainsi la propension des individus à optimiser leur mobilités quotidiennes contraintes.

     

Les déplacements domicile – travail pour diagnostiquer le taux d’autosolisme sur les territoires

L’analyse statistique des mobilités pendulaires est utile pour caractériser les modes de déplacements utilisés sur un territoire. Par exemple, en 2015, l’INSEE recense que 70% des salariés habitant et travaillant en France choisissent la voiture pour les déplacements pendulaires. Les transports en communs ne sont choisis que par 16% des travailleurs ; le vélo par 4%, derrière la marche à pied - 7%.
Les chiffres 2016 de l’INSEE pour l’Occitanie confirment la prépondérance de la voiture pour les déplacements domicile – travail, notamment au niveau des quatre agglomérations principales – Montpellier, Nîmes, Perpignan, Toulouse. Et ce, que ces travailleurs résident ou non dans ces unités urbaines. Moins de 10 % des travailleurs utilisent les transports en commun en Occitanie en 2016 pour se rendre sur leurs lieux de travail.
L’utilisation de la voiture reste encore majoritaire tant au niveau national que régional. Les situations de congestion qu’elles génèrent, allongent les temps de trajets des travailleurs et participent aux émissions de polluants atmosphériques. L’organisation des mobilités pendulaires constitue donc un levier pour les collectivités dans l’amélioration de la qualité de vie des habitants en termes notamment de santé publique et d’environnement.

Cette même étude statistiques 2016 de l’INSEE présente l’influence du lieu de résidence, de l’offre de transports en commun territoriale ou encore de la densité du tissu urbain sur le choix des modes de déplacements. La propension à utiliser le train est par exemple plus forte chez les travailleurs résidant dans des communes plus éloignées des agglomérations d’Occitanie que chez ceux résidant en milieux périurbains. Cela s’explique par une desserte plus importante en gares et des passages de trains régionaux plus fréquents dans ces communes plus éloignées. L’aménagement de réseaux de transport en commun structurants au sein des métropoles de Montpellier et Toulouse expliquent également un report modal plus important en centre-ville et zones périurbaines vers les transports en communs.

Les collectivités peuvent ainsi favoriser le report modal de leurs usagers par leurs actions en termes d’aménagement et d’offres pour les mobilités quotidiennes.

 

Les déplacements domiciles – travail pour identifier la dynamique économique des territoires

  • Les statistiques relatives aux déplacements domicile – travail permettent aussi d’identifier les bassins de mobilité, les bassins de vie ainsi que les dynamiques économiques d’un territoire. Les zones d’activités et les bassins d’emplois se concentrent par exemple en majorité en milieux urbains au niveau de la Région Occitanie.

Selon l’étude de l’AUAT de 2017, les 24 aires urbaines identifiées en Occitanie regroupent au total 72% des emplois régionaux et 68% de la population régionale. Elles occupent par ailleurs 25% de la superficie régionale totale.
INSEE AIRES URBAINES OCCITANIE Fev. 2017
Source : INSEE - AUAT - Perspectives Villes - Février 2017

 

Selon leur positionnement géographique, les collectivités font face à différents enjeux pour structurer leurs offres de mobilités :

  • Les collectivités en zones périurbaines, rurales ou de faible densité doivent lutter davantage contre l’immobilisme de leurs populations afin de favoriser l’inclusion sociale. Cela résulte d’un éloignement géographique trop important des zones d’activités ou des services publics, d’offres de transports réduites au niveau local ou encore d’un coût important en temps et carburant pour l’utilisation des voitures individuelles. En se rapprochant des communautés de communes, Parc Naturel Régionaux, Pôle d’Equilibre Territoriaux ou encore le Département ou la Région, ces territoires de faibles densités peuvent initier les réflexions autour du bouquet de services mobilités le plus adapté. Les services mobilités peuvent également être complétés par une relocalisation des zones d’activités et d’emplois au sein des espaces ruraux, participant ainsi aux réductions des besoins de mobilité hors de la commune ou communauté de communes.
  • Les collectivités en zones urbaines, concentrant davantage les zones d’activités font, quant à elles, face à une lutte plus importante contre les épisodes de congestion.
    Une étude sur les mobilités pendulaires d’Occitanie réalisée par l’INSEE en 2017 met en avant qu’une résidence dans une zone agglomérée participe à réduire les distances des déplacements domicile-travail mais pas nécessairement les temps de déplacements. Les actifs résidant dans les périphéries des métropoles de Toulouse, Nîmes, Montpellier ou Perpignan mettent le plus de temps pour rejoindre leur lieu de travail. Ceci s’explique notamment par une plus grande saturation des réseaux et des modes de régulation de la circulation automobile en particulier aux heures de pointes. L’enjeu consiste alors à proposer des fréquences plus importantes en termes de transports collectifs au sein de ces zones urbaines.

     

Mobiliser les diagnostics de mobilités pendulaires pour organiser le développement et l’attractivité d’un territoire.

Afin d’assurer l’accessibilité des bassins de vie et d’emplois pour leurs populations, la réalisation de diagnostics en amont de toute stratégie de planification s’avère primordiale.
La mise en place de la plateforme Mobilité "WiMoov" à l’échelle de l’Occitanie illustre les liens existants entre les stratégies de mobilité et les stratégies d’accès à l’emploi, notamment en milieux ruraux. Cette plateforme délivre des solutions pédagogiques, matérielles, financières et partenariales en termes de mobilité et d’accessibilité aux collectivités partenaires. Les collectivités du réseau Wimoov peuvent, entres autres, être accompagnées dans l’élaboration de leur diagnostic mobilité territorial. La présence de la plateforme Wimoov en Occitanie est le fruit du partenariat entre Pôle emploi et les acteurs institutionnels et économiques des territoires du Gers, de la Haute-Garonne, de l’Ariège, de l’Aude et des Hautes-Pyrénées.

Ces diagnostics mobilités pendulaires viennent alimenter l’élaboration et / ou les révisions des documents de planification (SCOT, PLU, PDU, PCAET, etc.) pour développer des zones d’activités en cohérence avec les enjeux et besoins identifiés. Les collectivités disposent également de documents opérationnels tels que les Zones d’Aménagements Concertées ou encore les Pactes Urbains permettant d’organiser les déplacements quotidiens en cohérence avec les projets d’urbanisme et économique.

Toulouse Métropole, en partenariat avec l’Autorité organisatrice des Mobilités Tisséo Collectivités a ainsi initié un Pacte urbain afin de structurer l’aménagement de sa 3e ligne de métro. Il s’adresse à l’ensemble des collectivités desservies afin d’assurer une desserte cohérente et adaptée aux spécificités des territoires, populations et quartiers concernés. Ce Pacte urbain engage l’ensemble des parties prenantes à assurer le suivi du projet de la 3e ligne et à participer aux projets de renouvellement urbain et de développement des transports en commun sur les territoires.

L’aménagement de la ZAC du Rivel initiée en 2015 sur les communes de Baziège et Ayguesvives en Haute-Garonne, est également un bon exemple d’aménagement d’une zone d’activité avec une prise en compte des problématiques de déplacement. La communauté de communes du Sicoval en est le maître d’ouvrage. L’aménagement de cette ZAC vise le développement d’emplois sur le secteur sud du Sicoval. Ce dernier souhaite renforcer le pôle d’équilibre des communes de Baziège, Ayguesvives et Montgiscard, et recherche à intégrer la qualité environnementale avec la mise en œuvre d’une démarche de management environnemental. Une étude globale sur la compatibilité urbanisme et mobilité du territoire menée par l’AUAT de Toulouse en 2016 – 2017 a permis de définir les orientations du pacte urbain reliant la Région Occitanie, le département de la Haute Garonne, le SICOVAL et les communes de Bazièges, Ayguesvives et Mongiscard.

 

Accompagner les entreprises locales dans leur plan de mobilités entreprises et interentreprises
La Loi d’Orientation Mobilité de 2019 inscrit l’organisation et la gestion des déplacements domicile-travail au sein des négociations obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés., contrairement à 100 salariés auparavant. Cette organisation s’effectue via la mise en place de Plan de Mobilités Entreprise ou Inter-Entreprise. Les collectivités peuvent accompagner ces démarches qui traduisent l’engagement des employeurs à faciliter les trajets de leurs salariés (aménagements d’horaire ou d’équipe, télétravail, facilitation de l’usage du vélo ou du covoiturage, prise en charge d’une partie des frais…).

La desserte de la ZAC du Rivel du SICOVAL a par exemple été alimentée par des concertations auprès des entreprises présentes afin de répondre au mieux à leurs besoins. La connexion de la ZAC avec les axes autoroutiers et ferroviaires du territoire - la reliant aux communes de Bordeaux à Sète, en passant par Toulouse, Castelnaudary et Carcassonne - participe à son attractivité et son développement économique. Surtout, l’inscription du projet de ZAC du Rivel dans le pacte urbain élaboré en 2018 par le Sicoval et les communes alentours favorise sa desserte en transports collectifs et modes actifs. Les entreprises de la zone disposeront par conséquent de différentes opportunités multimodales pour structurer leurs Plans de Mobilité Entreprise et / ou inter-entreprise au profit de déplacements plus durables.

un train de marchandises, des dizaines de camions en moins

Vignette : Antoine Darnaud - Région Occitanie