L’innovation est souvent abordée d’un point de vue technique et technologique. La transition énergétique et les mobilités ne dérogent pas à la règle : carburants alternatifs, travaux sur l’efficacité des moteurs, ou encore la mobilisation du numérique. Pourtant, l’innovation est aussi sociale, notamment dans un contexte de transition qui induit des changements de comportements autant collectifs qu’individuels.
Comment définir l’innovation sociale dans le domaine des mobilités ?
Selon le Conseil Supérieur de l’Economie sociale et solidaire (CSESS) : « L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution, (…). » - Article 15de la loi relative à l’économie sociale et solidaire du 30 Juillet 2014.
L’innovation sociale se conçoit alors en réaction à un besoin. Son caractère innovant réside dans la mobilisation de l’expertise d’usage pour répondre à une demande sociale non satisfaite. Elle place l’usager au cœur de l’élaboration des diagnostics et de la production de solutions. Elle s’appuie pour cela sur les solidarités, stratégies d’entraides, de conseils et d’informations qui émanent des communautés de pratiques et visent une réappropriation de l’environnement pour améliorer une situation donnée.
Une étude commanditée par l’ADEME en 2011 présente l’innovation sociale comme un outil qui complète et renouvelle l’action publique. L’innovation sociale permet de mobiliser l’intelligence collective et ouvre la porte aux parties prenantes pour proposer de nouvelles pratiques. L’enjeu pour les collectivités est d’organiser la rencontre entre les différentes parties prenantes et communautés de pratiques des mobilités pour compléter et adapter ses services de mobilités existants. Encourager l’innovation sociale sur un territoire permet de diversifier les services de mobilités en valorisant la création de bien-être, d’améliorations sociales et de solutions réactives, personnalisées, qui sont complémentaires à une politique de l’offre.
L’innovation sociale : un outil pour accompagner les changements de comportement vers des mobilités durables
L’augmentation du covoiturage, le retour des modes actifs, l’émergence de l’autopartage, le choix d’un véhicule propre, constituent autant d’exemples de ces nouvelles manières durables de concevoir ses déplacements. Le développement et l’amélioration de l’offre en transports partagés ou actifs ainsi que des infrastructures associées restent encore incomplets pour diffuser des pratiques plus propres et plus durables face à l’autosolisme. Les études de l’ADEME rappellent l’importance de l’information et de la sensibilisation des usagers, notamment dans un contexte où le paradigme de la voiture individuelle persiste dans l’imaginaire collectif.
L’innovation sociale apparaît comme un levier à disposition des collectivités pour accompagner les changements de comportements des usagers. L’innovation sociale permet la mise en place de mécanismes d’informations et d’influences interpersonnelles. Ces influences et échanges via une communauté de pairs et d’intérêts contribuent à acculturer les usagers débutants et potentiels à expérimenter les nouveaux aménagements et les nouvelles pratiques de mobilité durables.
Le SICOVAL, Communauté d’agglomération située au sud de Toulouse, s’est par exemple engagée dans l’animation d’une communauté des modes actifs. Elle permet d’associer les usagers à l’élaboration de la stratégie vélo territoriale. Elle est également mobilisée auprès des entreprises implantées sur son périmètre afin de recueillir leurs contributions.
L’innovation sociale pour des mobilités plus accessibles et inclusives en Occitanie
En plaçant les usagers au cœur de l’élaboration de solutions de mobilité, l’innovation sociale favorise l’inclusion de populations jusqu’ici exclues de certaines mobilités. Le développement des plateformes de covoiturage telles que REZO POUCE, créée en 2010 en Occitanie, illustre l’apport de l’innovation sociale pour promouvoir de nouvelles pratiques inclusives de mobilité sur le territoire régional.
Ce service d’autostop, à l’initiative d’une association, visait initialement à proposer une solution flexible et peu coûteuse aux usagers du Tarn-et-Garonne et de la Haute-Garonne. Ces solutions d’autopartage ou de covoiturage sont économiques. Elles permettent de s’affranchir de modes jusqu’alors coûteux lorsqu’elles n’en ont pas les moyens ou sont dépourvues de voitures individuelles. Ces services renouvellent la palette des solutions de déplacements et autorisent une nouvelle approche de la mobilité. Le service Rezo Pouce se développe par la signature de convention entre l’association, la SCIC créée à cet effet et les collectivité / communautés de communes intéressées. Son développement dépend alors de la volonté des élus à s’engager dans la desserte de points d’autostop. L’année 2018 marque la première convention Rezo Pouce signée par un département, celui de l’Hérault. Cette collaboration avec l’échelon départemental, permet de déployer le service auprès des communes du département qui accepte d’animer et soutenir ce réseau en incitant les territoires à s’impliquer dans la démarche.
Soutenir l’innovation sociale en Occitanie, en tant que collectivité
Si les propositions d’innovations sociales visent à compléter l’action publique, les collectivités conservent un rôle décisif dans l’émergence, l’accompagnement et la promotion de ces démarches.
Le déploiement de certaines options de mobilité actives et / ou collaboratives ne sont possibles qu’avec le soutien des collectivités qui vont les favoriser avec des aménagements adaptés – voies cyclables, signalétiques etc. - ou par le co-financement des initiatives.
Le financement de la construction d’un espace de coworking ou la signature d’un partenariat avec une solution de mobilité partagée permet par exemple, à la Communauté de Communes du Haut Bigorre d’accompagner l’essor de mobilités solidaires sur son territoire. L’espace de coworking participe à la mise en relations des acteurs privés, publics concernés par les politiques de mobilités avec les communautés de pratiques. L’espace de coworking favorise leurs rencontres et échanges et fournit un environnement stable pour le bouillonnement de créativité.
Le Pays Sud Toulousain, dans le cadre de son Plan Mobilité rurale, structure actuellement un appel à projets Mobilités actives pour encourager leur déploiement. Le co-financement des initiatives locales est un levier non négligeable, notamment lorsque ces innovations sociales de mobilité sont portées par des structures associatives.
Les collectivités peuvent elles-mêmes proposer ou initier de nouvelles solutions de déplacement plus accessibles et / ou responsables. Le Pays Porte de Gascogne, par exemple, met à disposition des taxis solidaires ou des vélos à assistance électrique. Cette démarche s’adresse notamment aux habitants privés d’accès à la voiture individuelle, à savoir les plus jeunes et les personnes âgées. Des animations locales ainsi que le développement d’une application encouragent leur utilisation.