En quoi consiste un « véhicule intermédiaire » ?
Pour reprendre la définition de Frédéric Héran, économiste des transports et urbaniste, maître de conférences à l’université de Lille, les véhicules intermédiaires regroupent « Tous les véhicules entre le vélo classique et la voiture inférieurs à 600 kg ».
Autrement dit, il s’agit de tous les véhicules existants entre les voitures classiques (thermiques, hybrides ou électriques) et les vélos traditionnels, c’est-à-dire les vélos spéciaux (comme les vélos-cargos, les triporteurs ou les vélo-couchés), les micro-voitures, les voiturettes, les mini-voitures ou les deux-roues motorisés protégés.
Ces véhicules sont de plusieurs sortes, plus ou moins légers, plus ou moins rapides, mais moins consommateurs de ressources et moins émetteurs de gaz à effet de serre que les voitures.
Deux types de propulsion sont possibles :
• en mode actif : biporteur, triporteur, vélomobile, vélo pliant, vélovoiture…
• en mode passif : voiturette, micro-voiture, 2RM, tricycle ou quadricycle protégé, mini-voiture
Certes les véhicules intermédiaires ne permettent pas de tout faire et ne sont pas polyvalents comme une voiture mais cela reste un piste à explorer tant du point de vue de la recherche et de l’innovation, qu’au niveau des usagers et de leurs pratiques de déplacements.
Car même si aujourd’hui le standard de la voiture est extrêmement présent dans les consciences et dans les comportements, selon Héran, les trois quarts des trajets domicile-travail pourraient être effectués avec des véhicules intermédiaires.
Pourquoi privilégier les véhicules intermédiaires ?
Les véhicules intermédiaires peuvent répondre à de nombreuses problématiques des mobilités, à condition de se développer en substitution à la voiture.
Ils présentent par ailleurs divers bénéfices.
■ Les impacts des véhicules intermédiaires sur le climat sont très significatifs
La comparaison de l’impact carbone en analyse de cycle de vie est régulièrement utilisée pour juger de l’intérêt climatique de différentes motorisations de voitures sur leur durée de vie. Si ces analyses attestent d’un bilan favorable pour la voiture électrique, avec une division par 2 à 5 des émissions , des analyses de véhicules intermédiaires révèlent des émissions encore moins impactantes. Par rapport à la voiture électrique, l’impact est 3 fois moins important pour le quadricycle électrique (du type Renault Twizy), quasiment 10 fois moins important pour le vélomobile ou le vélo à assistance électrique, et quasiment 20 fois moins impactant par kilomètre parcouru pour le vélo classique.
Remplacer les voitures (même électriques) par des véhicules intermédiaires se révèle donc plus vertueux d’un point de vue climatique.
■ Les véhicules intermédiaires favorisent une plus grande sobriété dans l’utilisation des ressources
De par leur gabarit plus sobre et léger, les véhicules intermédiaires sont également plus sobres en ressources. Ces économies de ressources sont déterminantes pour les métaux critiques de la transition énergétique, notamment ceux qui constituent les batteries, à savoir le lithium, le cobalt, le nickel et le cuivre. Les défauts d’approvisionnement menacent de contraindre le développement de la mobilité électrique et les impacts environnementaux, sociaux et géopolitiques liés à leur extraction sont à limiter.
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, les ordres de grandeur illustrent tout l’intérêt de se tourner vers des véhicules plus sobres.
■ Les véhicules intermédiaires : une réponse à de nombreuses externalités négatives
Le déploiement des véhicules intermédiaires permettrait de réduire les nombreuses externalités négatives induites par la voiture individuelle et contribuerait à améliorer le cadre de vie. L’allégement des véhicules et leur plus faible vitesse permettraient :
- de réduire la pollution de l’air, en supprimant les émissions,
- de réduire la consommation d’espace en circulation, en stationnement et la pollution visuelle qui leur sont associées,
- de mieux partager l’espace public,
- d’apaiser les espaces urbains, en réduisant la pollution sonore,
- de pratiquer une activité physique bénéfique pour la santé (dans le cas des véhicules actifs),
- de réduire le niveau de dangerosité pour les autres usagers de la route.
A contrario, leur plus grande vulnérabilité vis-à-vis des véhicules les plus lourds nécessite de développer des infrastructures sécurisées et/ou de réduire la circulation des véhicules plus lourds pour s’assurer des bénéfices sur l’accidentalité.
Pour développer cette nouvelle forme de mobilité plus durable, l’implication des pouvoirs publics est indispensable en termes de transformation des infrastructures, d’accompagnement des filières économiques de ces véhicules, d’aides aux usagers pour prendre en main ces nouvelles mobilités.
■ Des consommations énergétiques réduites : vers des véhicules bien plus sobres
De nombreuses baisses de consommation d’énergie sont possibles pour les véhicules intermédiaires, par une conception et des usages plus sobres que les voitures actuelles : réduction des dimensions du véhicule, du nombre de places, du poids, de la puissance et de la vitesse des véhicules, amélioration de l’aérodynamisme, sobriété d’équipements, utilisation du pédalage, ou encore un moindre frottement avec des roues plus fines.
Quels usages et développements sont à privilégier dans nos territoires ?
Les véhicules intermédiaires trouvent leur pertinence en priorité là où le surdimensionnement des voitures apparaît le moins justifié : ménages d’une seule personne, les secondes voitures des ménages multi-motorisés,. Ces seules cibles représentent un très fort potentiel de report depuis la voiture classique.
Cette substitution apparaît particulièrement adaptée dans les zones de faible et moyenne densité, où la dépendance à la voiture est forte et les alternatives limitées. Ces véhicules intermédiaires permettent d’imaginer un autre avenir pour la mobilité dans les zones rurales (cf. le reportage Réchauffement climatique : en Aveyron, une association explore des alternatives à la voiture, car "si on ne change pas, on fonce dans le mur" - francetvinfo.fr) que celui de la voiture individuelle.
Néanmoins si les mini-voitures et voiturettes peuvent avoir un intérêt pour la transition en remplacement de la voiture, leur développement doit être orienté par les politiques publiques vers les usages les plus vertueux. Les véhicules intermédiaires ne doivent donc pas uniquement être pensés comme une nouvelle offre, mais bien en substitution à la voiture. Cela demande d’assumer une certaine hiérarchie entre les modes de déplacement, que ce soit dans l’aménagement, les aides financières ou les autres politiques publiques en matière de stationnement, de communication, de services de location, etc.
Où en est le développement des véhicules intermédiaires en France ?
Les véhicules intermédiaires les plus développés sont ceux les plus proches du vélo classique (vélos à assistance électrique, vélos pliants, vélos cargos) ou de la voiture (quadricycles électriques, mini-voitures ou voiturettes).
Pour les véhicules les plus intermédiaires, tels que les vélomobiles ou les vélos-voitures, de nombreux projets en France en sont à la phase de prototypes ou de début de production.
Cependant, le segment connaît un essor important, porté en particulier par l’Extrême Défi de l’ADEME, un programme lancé en 2022 et pour 3 ans, afin de développer “de nouveaux modes de transports plus adaptés, légers, sobres et moins chers”.
Les territoires partenaires de l’eXtreme Défi ont identifié des personnes intéressées pour tester d’autres modes de locomotion que l’automobile au quotidien : collectivités, associations, entreprises et particuliers.
L’expérimentation de ces véhicules intermédiaires sera lancée dans le courant de l’année 2023. L’objectif de l’expérimentation est de mettre au point des véhicules ultra légers de 1 ou 2 places permettant de remplacer au quotidien la voiture traditionnelle, plus énergivore, dans des territoires périurbains et ruraux.
En parallèle à cette initiative une association des Acteurs des Véhicules Légers Intermédiaires, nommée AVELI a été créée début avril 2023, avec pour objectif de “contribuer à l’émergence d’une mobilité quotidienne plus responsable”. Cette association vise à faire connaître les véhicules, dynamiser la filière et permettre l’évolution des réglementations.
Et en Occitanie ?
En 2023, la commune de Saint-Bauzille-de-Montmel et la Communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup se sont engagées dans la démarche d’expérimentation de véhicules dits "intermédiaires” dans le cadre de l’eXtrême Défi lancé par l’ADEME, et en partenariat avec la Fabrique des mobilités.
Les principaux objectifs visés sur le territoire sont notamment de :
• limiter le recours à la voiture individuelle pour des trajets de courtes distances,
• inciter les ménages à se séparer d’une de leur voiture.
L’expérimentation démarre courant novembre 2023 pour une durée de 1 an (renouvelable). Trois véhicules intermédiaires vont être expérimentés : un tricycle à assistance électrique, une micro-voiture et une mini-voiture électriques.
Dans un premier temps, elle sera ouverte aux agents de la commune de Saint-Bauzille-de-Montmel et de la Communauté de communes pour des déplacements de service. Début 2024, elle se poursuivra avec un groupe d’expérimentateurs volontaires ayant répondu à un appel à candidature lancé fin 2022.
Une équipe de recherche assurera un suivi et une évaluation des usages pour identifier les éléments déclencheurs d’un changement de comportement et accompagner la mise en circulation de nouveaux véhicules.
Crédit photo : QBX fabricant et exploitant : photo prise par l’ADEME