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De tout temps, le besoin en énergie a entrainé des modifications des paysages.
Nous sommes passés par 3 types de relations entre la production d’énergie et son utilisation sur les territoires :

  • Avant la première révolution industrielle, l’énergie était produite sur le lieu de son utilisation. Les structures construites étaient adaptées aux lieux et aux modes de production, à commencer par l’utilisation du bois (cuisson, chauffage), les moulins à eau ou à vent, la marine à voile...
  • Avec la révolution industrielle du XIXe siècle, la production énergétique commence à être dissociée de son lieu de consommation. L’avènement du charbon, puis des produits pétroliers, a permis de développer de nouvelles formes d’industries, de nouvelles manières de penser l’aménagement du territoire, intégrant notamment le développement des infrastructures terrestres (ferroviaires, routières, lignes à haute tension, gazoducs...) mais aussi l’organisation des villes et métropoles, des espaces de production, voire des espaces de loisirs.
  • Suite au premier choc pétrolier et face au développement exponentiel des besoins en énergie électrique, c’est bien le développement du nucléaire qui marque le dernier quart du XXe siècle, confortant un système hypercentralisé autour de ces centrales, redistribuant dans tout le pays, voire hors des frontières, une énergie que l’on croyait bon marché. Il est avéré cependant que cette énergie reste largement décarbonée par rapport aux autres sources d’origine fossile.

La prise de conscience de l’impact des énergies fossiles sur le réchauffement climatique nous oblige à repenser le modèle énergétique au travers duquel la production électrique sera dominante, sans pour autant ignorer les autres énergies renouvelables (bois, méthanisation …). Mais cette énergie sera produite sous une forme décentralisée, formant un réseau interconnecté et solidaire au travers duquel sera à nouveau privilégiée production et consommation locales. Cela nécessite de repenser totalement le fonctionnement des réseaux d’alimentation électriques, avec la difficulté de l’intermittence de ces énergies renouvelables.

L’analyse des relations entre énergie et paysage et de leur évolution est primordiale pour définir un scénario de transition tenant compte des atouts et enjeux du territoire. Une lecture énergétique des paysages basée sur l’histoire peut permettre de dépasser les approches techniques ou nostalgiques, pour concevoir des scénarios prospectifs de paysage intégrant ces nouvelles composantes.

Les collectivités peuvent retracer l’historique paysager et urbanistique de leurs territoires, en lien avec l’énergie (mines, barrages, centrales, voiries, forêts…), pour ainsi rappeler les mutations continues du paysage et de l’urbanisme qui sont le fruit de cette évolution de l’usage de l’énergie.

La vidéo réalisée par le collectif Paysages de l’après-Pétrole « Paysages de l’après-pétrole, qu’est-ce que c’est ? » illustre bien ce sujet.

 

Mettre en paysage l’énergie pour rappeler l’évolution historique d’un territoire

La "mise en paysage" de l’énergie est une remise en mémoire pour les habitants d’un territoire. Cette représentation historique permet de s’approprier son territoire et de l’appréhender sous l’angle des différentes ères énergétiques.
Le rapport énergie/société s’inscrit dans les paysages à travers l’impact des infrastructures associées à la production ou au transport de l’énergie, ou encore à travers la mobilisation de certains éléments naturels porteurs d’un potentiel énergétique (la forêt, l’eau, le vent, etc.). Cette inscription paysagère a surtout pour fondement l’impact de l’exploitation des ressources que l’énergie permet d’activer. Les paysages sont par conséquent susceptibles de nous parler. Ils ne nous permettent pas de tout connaître du rapport d’une société à l’énergie, mais ils n’en constituent pas moins un support pour percevoir et penser dans leur globalité et leur complexité les conséquences d’une action en ce domaine.

Pour mobiliser ce potentiel contenu dans les paysages et pour activer leur capacité de médiation, dans le contexte de la transition énergétique, des "lectures énergétiques", qui reposent sur une démarche historique, permettent d’éclairer les relations qui unissent les "complexes paysagers" et les "complexes énergétiques" qui se sont succédé au cours de l’histoire.

 

La lecture énergétique d’un territoire : une mise en perspective historique pour favoriser l’appropriation locale des projets

Chaque territoire a ses particularités et a plus ou moins été concerné par les différentes transitions énergétiques au cours de son histoire.
Il s’agit donc d’identifier des moments clés qui correspondent à un état particulier des interactions entretenues entre les logiques d’exploitation de ressources et l’agencement des formes paysagères.
Il apparaît nécessaire de réaliser cet historique paysager et urbanistique à partir du 17e siècle pour partir d’une base antérieure aux révolutions industrielles et sociales des 18e et 19e siècles, mais comportant néanmoins les premières installations collectives de production d’énergie. A cette époque, les territoires sont féodalisés et chacun a son propre moulin. Le moulin est l’une des premières installations de production d’énergie mutualisées à l’échelle d’un territoire.

 

Schéma générique de l’évolution des paysages à travers les phases énergétiques suivantes pourquoi et comment mettre l'énergie en paysage ?Serge Briffaut et Bernard Davasse - Revue Urbanisme, hors-série, n°64
« Les nouveaux paysages de la transition énergétique », n°52-53

 

Cette approche énergétique et paysagère va permettre :

  • d’illustrer le rapport entre territoire, société et énergie afin de nourrir un récit autour du développement des énergies renouvelables, comme nouvelle ère énergétique.
  • de comprendre les liens qui unissent environnement, société, culture, paysage et urbanisme.
  • de constituer une base de médiation pour initier des projets de production d’énergies renouvelables.

 

Comment procéder pour écrire l’histoire du paysage au regard de la production d’énergie ?

Ce récit s’appuie sur un historique cartographié ou imagé des paysages et des formes urbaines du territoire qui rend compte des interactions existantes entre les différents modes d’exploitation de la ressource énergétique et l’agencement particulier des formes paysagères induites dans l’espace. Cet historique donne des indications sur les mutations du paysage et de l’urbanisme, mettant en évidence l’évolution des rapports entre société et énergie au fil du temps.
L’analyse des cartes IGN couplée avec des photographies aériennes permet d’avoir une connaissance à la fois sur les équipements de production, les équipements d’acheminement, les formes d’habitat mais aussi sur l’aspect esthétique général des paysages modifié au cours du temps. Cette analyse peut être complétée avec des données plus variées et subjectives issues des études CAUE, des atlas des paysages et autres documents de planification ou de connaissance.
Cette phase d’écriture se fait avec les habitants et les acteurs locaux qui contribuent à la mémoire collective. Il s’agit bien d’un récit collectif qui va permettre une mise en mouvement et faciliter la construction du scénario énergétique qui induira une évolution des paysages (intégrant les façons d’habiter, de se déplacer, de se nourrir ...). Pour écrire cette aventure collective énergétique, et imaginer les paysages du futur, quelques initiatives et outils sont disponibles.

Le Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises s’est appuyé, dans le cadre de son plan de paysage de transition énergétique et climatique, sur des cartes postales représentant un même paysage en 1919 et 2019 pour questionner les habitants sur leurs aspirations et leurs craintes concernant l’évolution des paysages dans un contexte de changements climatiques et de transition énergétique. Les habitants étaient invités à imaginer le futur en répondant à deux questions "En 2049, quel serait le paysage que vous redoutez ?" et "En 2049, quel serait le paysage dont vous rêvez ?". A retrouver sur le site du PNR

paysages rêvés

 

Le collectif « Paysages de l’Après-Pétrole » propose l’outil E.T.A.P.E. Outil ETAPE Paysage • Collectif Paysages de l’après-pétrole pour spatialiser les objectifs énergétiques fixés dans un territoire et raconter le paysage de 2030 en se projetant dans un territoire imaginé. (voir notre article Quels outils pour mettre en œuvre une politique énergétique et paysagère ?)