La transition énergétique et la préservation des paysages entretiennent des relations complexes. Si la sobriété peut être un levier pour protéger les paysages, le développement des énergies renouvelables soulève des défis d’intégration visuelle et d’aménagement du territoire.

Des politiques énergétiques ambitieuses

Suite au protocole de Kyoto qu’elle a ratifié en 2002, la France a renouvelé son engagement dans la lutte contre le changement climatique en 2015, en signant l’Accord de Paris lors de la COP 21. Elle s’est engagée à travers ces accords à modifier sa politique énergétique pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs textes réglementaires sont venus formaliser cet engagement.

La loi de Programmation fixant les Orientations de la Politique Énergétique (dite Loi Pope), en date du 13 juillet 2005, les lois Grenelle 1 et 2 (adoptées respectivement en 2009 et 2010) et plus récemment la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (dite loi TECV) en 2015 ont successivement renforcé les objectifs de réduction des émissions de gaz à effets de serre, de maîtrise de la demande en énergie et de diversification du bouquet énergétique.

Introduites par la loi TECV, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) sont aujourd’hui des outils majeurs de pilotage des politiques climatique et énergétique. Elles visent des objectifs cohérents avec la Loi Énergie Climat du 8 novembre 2019.

L’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 renouvelle l’ambition sur l’énergie et suppose de réaliser des efforts très importants en matière d’efficacité et de sobriété énergétique, de décarboner totalement le secteur de l’énergie et de développer les énergies renouvelables, d’augmenter les puits de carbone pour absorber les émissions résiduelles incompressibles.

La loi « Climat Résilience » (juillet 2021), issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, vient accélérer la transition de notre modèle de développement vers une société neutre en carbone, plus résiliente, plus juste et plus solidaire. Elle a l’ambition d’entraîner et d’accompagner tous les acteurs dans cette indispensable mutation. Tous les domaines sont concernés : l’éducation, l’urbanisme, les déplacements, les modes de consommation, la justice.

Récemment, la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, adoptée en mars 2023 vise à simplifier et accélérer le développement des énergies renouvelables pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. Cette loi facilite le développement des parcs éoliens solaires, encourage les projets locaux d’énergies renouvelables portés par les citoyens, prévoit le renforcement des réseaux électriques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre le changement climatique et assurer la sécurité énergétique de la France.

En Occitanie, la Région, en sa qualité de chef de file dans les domaines de l’énergie, de l’air et du climat, a formalisé l’engagement de devenir un territoire à énergie positive à l’horizon 2050 à travers sa stratégie REPOS (Région à Énergie POSitive) . La trajectoire définie requiert une multiplication par plus de 3 de la production d’énergies renouvelables et une division par 2 des consommations d’énergie par habitant par rapport à la situation actuelle.
Cette stratégie REPOS a une portée réglementaire par le biais de règles du Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET).
Ces règles, coconstruites avec les territoires, s’imposent dans un rapport de compatibilité aux SCOTs ou PLUi, cartes communales, PCAET, PDU, chartes de PNR.

Et en parallèle à l’objectif de neutralité carbone, une préoccupation grandissante de préservation des paysages

Le développement d’une politique nationale autour de la notion de paysage est étroitement lié aux préoccupations de préservation du patrimoine, nées au XIXe siècle. Les lois du 21 avril 1906 et du 2 mai 1930 constituent un fondement juridique favorable à la préservation des espaces naturels et des sites exceptionnels devant bénéficier d’une reconnaissance particulière : les sites inscrits et classés.

Dans les années 70, l’UNESCO se saisit de ces questions de patrimoine et de paysage en développant une politique de reconnaissance de biens majeurs. La France ratifie la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, proposée en 1972. En tant qu’Etat partie, elle doit protéger les valeurs pour lesquelles ses biens ont été inscrits sur la Liste, et définir pour chaque site les mesures garantissant leur pérennité.

Il a fallu attendre la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages pour disposer d’un ensemble d’outils au service de l’ensemble des paysages (directives paysagères, chartes paysagères, plans de paysage, atlas de paysage, observatoires photographiques du paysage), qu’ils soient protégés ou non. Si certains de ces outils n’ont pas atteint leurs objectifs, la plupart sont encore largement utilisés, avec ou sans contrainte forte (plan de paysage, atlas, observatoires…).

Sous l’égide du Conseil de l’Europe, la convention européenne du paysage, dite de Florence, est publiée en 2000 et ratifiée par la France en 2006. Elle constitue le socle de la politique des paysages pour les pays signataires. Elle a pour objet de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages, et pour cela elle propose tout un ensemble de dispositions propres à être intégrées dans les réglementations nationales.

Convention européenne du paysage

Quelles solutions pour concilier transition énergétique et climatique des territoires et protection des paysages ?

Réglementairement, la notion de préservation de l’environnement paysager apparaît en 2010 avec la loi Grenelle 2, qui vise à protéger le cadre de vie en limitant la publicité extérieure.

En 2014, la loi ALUR (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) rend obligatoire la prise en compte du paysage dans les documents d’urbanisme, notamment dans les SCoT. Elle demande l’inscription d’« objectifs de qualité paysagère », qui doivent contribuer à la définition d’orientations stratégiques et spatialisées en matière de protection, de gestion ou d’aménagement des paysages.

Le 8 août 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages concrétise le changement d’approche de la politique des paysages qui passe d’une logique de protection des paysages remarquables vers une prise en compte de tous les paysages. Une définition officielle des paysages est donnée et des outils sont précisés : « Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques » (Art. L. 350-1 A. du Code de l’Environnement). Le texte introduit l’existence "officielle" des atlas du paysage à l’échelle départementale, éléments de connaissance de base des composantes et dynamiques paysagères. Un article consolide par ailleurs la nécessité de définir les « objectifs de qualité paysagère » dans les documents de planification, aussi bien que dans les démarches paysagères (consolidation de la loi ALUR). La compétence paysagère est définie par la création du titre de "paysagiste-concepteur", permettant ainsi d’éviter toute confusion avec des paysagistes entrepreneurs. En outre, cette loi crée une réforme des sites inscrits pour renforcer l’efficience de la politique des sites.

Dans les années 80, les lois Montagne et Littoral sont venus renforcer la prise en compte effective des enjeux de paysage dans les politiques publiques. En 1985, la loi Montagne a eu plusieurs impacts significatifs sur le paysage montagnard : protection des paysages par la mise en place de règles strictes pour préserver l’intégrité visuelle des montagnes, promotion des constructions respectueuses du relief et des matériaux locaux, soutien aux activités traditionnelles comme l’agriculture de montagne…
La loi Littoral de 1986 qui a fortement contribué à limiter l’urbanisation des côtes, s’inscrit dans la même dynamique. Elle vise à préserver les espaces naturels remarquables du littoral en régulant l’urbanisation et les constructions, en favorisant des constructions en harmonie avec l’environnement naturel et les traditions architecturales locale, en intégrant des préoccupations environnementales dans les projets d’aménagement et en soutenant les activités économiques respectueuses de l’environnement comme la pêche traditionnelle et le tourisme durable.

Plus récemment, la loi Climat Résilience de 2021 qui vise à renforcer la résilience des territoires face aux impacts du changement climatique n’est pas sans incidence sur les paysages. Si la réduction de l’artificialisation est favorable à la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, le développement des énergies renouvelables qu’elle promeut va altérer les paysages avec l’installation de parcs éoliens, de panneaux solaires ou de centrales hydroélectriques. Il en va de même pour la rénovation énergétique des bâtiments avec l’ajout de dispositifs d’efficacité énergétique, la promotion des mobilités douces avec la mise en place de nouvelles infrastructures. En soutenant les pratiques agricoles durables, la loi peut aussi influencer les paysages ruraux. La loi prévoit également des mesures d’adaptation au changement climatique qui peuvent inclure des aménagements paysagers spécifiques (zones tampons, espaces de rétention d’eau…).

Enfin, la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables de mars 2023 incite à une meilleure intégration des installations renouvelables dans le paysage, en tenant compte des spécificités locales et en favorisant des solutions innovantes pour limiter l’impact visuel.

En l’absence d’obligations paysagères réglementaires, et pour tenir compte des spécificités et enjeux locaux, des collectivités ont rédigé des chartes, des guides de recommandations, ou autre document pour favoriser l’intégration paysagère des projets de développement d’énergies renouvelables (voir article Transition énergétique et paysage dans les territoires d’Occitanie : quelques retours d’expériences). Un outil majeur, qui peut contribuer à l’intégration concomitante des enjeux énergétiques et paysagers, est le plan de paysage de transition énergétique qui se développe depuis 2020, notamment au travers des appels à projet nationaux, avec l’aide de l’ADEME.