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Depuis quelques années, face au réchauffement climatique et à la dégradation des ressources naturelles, l’offre et la demande de sobriété sont émergentes dans les territoires. Dans ce contexte, les orientations en matière d’organisation et de planification sont essentielles pour créer un contexte favorable à l’évolution des pratiques et tendre vers un territoire moins consommateur de ressources. Les documents de planification et d’urbanisme : PLUi, SCOT, et PCAET notamment, intègrent progressivement cette notion.

 

La sobriété doit être au cœur des politiques d’aménagement

Dans les projets d’aménagement urbain, la recherche de plus de sobriété, voire de l’autonomie énergétique à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier est de plus en plus fréquente, comme en témoigne le développement des éco-quartiers et des éco-hameaux.
A l’échelle plus large d’un territoire, une collectivité met en place une démarche de sobriété lorsqu’elle optimise l’organisation du territoire en rationalisant la consommation d’espace. On parle alors de sobriété foncière. Par exemple, en favorisant la rénovation des logements existants en centre-ville au lieu de créer de nouveaux logements en périphérie, ou en questionnant l’extension immobilière et l’usage des sols (friches urbaines vs utilisation de nouvelles surfaces), ce qui permet de rationaliser les déplacements tout en contribuant à limiter la perte de terres agricoles ou d’espaces naturels. Autre exemple : la création d’éco-hameaux d’habitat léger qui favorisent la réversibilité des aménagements.
La sobriété pour un territoire c’est aussi adapter les équipements et infrastructures aux besoins réels des usagers (par exemple, en mettant en place un schéma directeur immobilier énergétique (SDIE), qui réinterroge sur l’adéquation entre les bâtiments/équipements existants et les besoins des usagers, pour réorganiser le cas échéant la répartition des équipements afin d’en optimiser le fonctionnement.

Quelques exemples en Occitanie :

  • Le PLUi Climat de Montpellier Métropole est organisé autour de 5 thématiques, dont « résilience environnementale et sobriété énergétique » avec une forte volonté affichée de maîtriser la consommation d’espace et de favoriser la « ville du quart d’heure ».
  • Lunel, la ville du quart d’heure : à travers le projet Métamorph’Ose la ville vise la reconquête de la proximité

A noter que la loi Climat et résilience (parue en août 2021) fixe des objectifs de sobriété foncière aux territoires. Les décrets d’application de cette loi sont en cours de consolidation suite aux retours émis par les collectivités lors de la phase de consultation, mais celles-ci peuvent d’ores et déjà questionner l’intégration de cette notion dans leurs documents de planification.

 

Une politique de mobilité qui réévalue la place attribuée à la voiture individuelle

Une politique de mobilité visant à la sobriété, doit associer une plus grande sobriété d’usage (voyageurs et marchandises) aux progrès technologiques. Ces dernières années, les politiques de sobriété des mobilités (télétravail, téléenseignement, télémédecine, téléprocédures... ) se sont développées. Ces mesures sont intéressantes car elles contribuent à réduire les besoins qui génèrent des déplacements. Mais le choix de recourir au télétravail et à la téléconférence plutôt qu’à un déplacement n’est pas seulement un choix individuel, il dépend également de l’attitude du collectif (entreprises, groupes...), et des mesures publiques prises en faveur de ces formes de travail.

D’autres solutions existent. En milieu urbain par exemple, l’étalement des heures de pointes constitue une possibilité d’optimisation des flux de déplacements : il évite des investissements inutiles, comme le déploiement de nouvelles infrastructures, et améliore la qualité de vie. Il implique cependant des décisions de la part des générateurs des flux (entreprises, quartiers d’affaires, universités, écoles ...) pour décaler les horaires de début et de fin de journée. Dans les zones rurales, où les déplacements en voiture individuelle sont encore nombreux, au-delà de promouvoir les nouvelles formes de mobilité grâce aux progrès numériques, il convient de développer les pratiques de partage de véhicule et les transports en commun.

Des collectivités d’Occitanie ont engagées des actions pour tendre vers une mobilité plus sobre :

  • incitation à la pratique du vélo : développement des infrastructures (pistes cyclables, places de stationnement), mise en place d’un service de vélos en location, d’ateliers du vélo...
  • développement des services d’usages partagés : autopartage de véhicules utilitaires et familiaux, de VAE et vélo pliables, de trottinettes…
  • incitation à utiliser les transports en commun : TAD, offre multimodale…
  • promotion du covoiturage avec des aires dédiées, et la création d’une plateforme en ligne,
  • promotion des mobilités actives par des opérations de communication ponctuelles, des incitations financières... Exemple : Allons-Y A Vélo, aides à l’achat de VAE pour ses trajets professionnels),
  • mise en place de lieux de réunion accessibles pour des visioconférences, création d’espaces de coworking...

Picholine, le voiturage libre en coeur d'Herault Quelques exemples :

 

Une alimentation adaptée aux besoins et qui favorise les filières locales

À la croisée des problématiques sociales, économiques, environnementales, énergétiques, et climatiques, l’alimentation est devenue un sujet incontournable de nos sociétés. La relocalisation des systèmes alimentaires, les circuits courts, la structuration de filières locales, l’introduction des produits locaux dans la restauration collective figurent parmi les pistes à explorer pour favoriser la sobriété alimentaire sur le territoire.
En matière d’alimentation, la sobriété consiste aussi à lutter contre le gaspillage estimé entre 20 et 40 % des denrées alimentaires mises sur le marché selon le scénario negaWatt 2022.

Dans ce domaine les collectivités optent souvent pour la mise en place d’un projet alimentaire territorial (PAT). Les PAT permettent de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires. Ils permettent de répondre aux attentes sociétales vers plus de local et de qualité ; ils ouvrent aux producteurs des débouchés de proximité et contribuent au développement du dynamisme économique du territoire tout en préservant les ressources.

On peut citer ici le PAT de Carcassonne Agglo qui vise l’autonomie alimentaire du territoire. Plusieurs enjeux relèvent de la sobriété : augmenter la part de la vente directe, développer une culture du « consommer mieux en gaspillant moins », sauvegarder les ressources (dont la ressource foncière) à long terme...

Au-delà de ces projets territoriaux, des initiatives locales émergent et se font de plus en plus nombreuses : ventes directes à la ferme, magasins de producteurs ou associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), etc.
Ces modes de distribution, de plus en plus prisés des consommateurs, sont souvent portés par des collectifs de citoyens mais les collectivités peuvent accompagner et promouvoir ces démarches par :

  • le transfert de terres dédiées à l’urbanisation en terres agricoles,
  • la mise à disposition de locaux,
  • la participation au financement de l’animation des réflexions et travaux préalables pour réunir et coordonner les producteurs,
  • l’introduction d’un % de produits bio et/ou locaux dans la restauration collective,
  • la promotion de l’agriculture urbaine et péri-urbaine et la mise en place de contrat de réciprocité urbain-rural ou ville-campagne.

 

Consommation responsable, anti-gaspi, zéro déchet, économie circulaire, économie de la fonctionnalité… d’autres approches de la sobriété

La consommation responsable tend à promouvoir la modération de la production et de la consommation, et peut aller jusqu’au refus de certaines consommations (non achat), constituant en cela une forme de sobriété.
La modération trouve une place dans les politiques publiques de réduction des déchets, avec l’obligation pour les collectivités à compétence déchet de mettre en œuvre des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA). Ces politiques encouragent la prévention des déchets et leur réemploi.
Les actions promouvant le réemploi, la réparation, la seconde vie des objets, la mutualisation de biens, la lutte contre le gaspillage alimentaire, le refus du tout jetable ou la limitation de la publicité (Stop Pub), sont des actions qui rentrent dans le cadre de la sobriété, en tant qu’alternative à l’achat ou à la production d’un bien matériel, en trouvant une alternative comportementale qui vise à limiter la consommation de ressources.

Parmi les actions mises en place par les collectivités d’Occitanie,

Ces différentes politiques territoriales de sobriété évoquées ne sont pas exhaustives. Comme dit dans les autres articles, la sobriété est transversale et s’applique à tous les domaines : l’alimentation, les loisirs, le travail, l’habillement, l’habitat... à toutes les activités et à tous les acteurs (collectivité, entreprises, citoyens).
En lien direct avec la sobriété énergétique, on peut citer la sobriété dans les bâtiments avec les nouvelles formes d’habitat et notamment le développement de l’habitat participatif et de la mutualisation des biens et des services (voir notre dossier Performance énergétique du secteur bâtiment en Occitanie : une ambition forte) ou la sobriété numérique, concept en plein développement