Un fort enjeu autour de la représentation sociale de la sobriété
Selon des études et enquêtes réalisées sur le sujet, la sobriété est souvent associée à une restriction des libertés (limiter ses déplacements, consommer local, réduire les températures de chauffage…), ce qui peut expliquer en partie la résistance aux changements de comportements de la part des individus. A cela s’ajoute les normes sociales et le « confort moderne » permis par la possession de biens matériels qui confère un certain statut social reconnu.
A l’échelle d’un territoire, la sobriété est souvent associée à la notion de décroissance, en opposition au développement économique, ce qui lui confère une connotation négative et peu attrayante en terme d’axe de développement pour tendre vers un nouveau modèle économique plus sobre et adapté au contexte local. Cette approche est toutefois en train d’évoluer comme en témoignent le développement de l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité, l’Écologie Industrielle Territoriale... Et la multiplication d’actions de sobriété dans les domaines de l’alimentation, du numérique, du foncier, de la mobilité, etc. Afin de produire, de se déplacer, d’habiter, en mutualisant ou en consommant moins de ressources.
Quelques exemples :
- Rodez Agglomération : en 2015, dans le cadre du projet "Territoires Zéro Déchet, Zéro Gaspillage", l’agglomération a mobilisé tous les acteurs du territoire (entreprises, structures d’insertion, associations, citoyens…) autour d’une démarche exemplaire d’économie circulaire. En 2020, cette démarche a été poursuivie avec la signature d’un "Contrat d’Objectifs Déchet Économie Circulaire (CODEC)" avec l’ADEME.
- Communauté d’Agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées : la collectivité a recruté un chargé de mission « mobilité » pour accompagner et faciliter le développement d’initiatives pour réduire et mutualiser les déplacements, favoriser la mobilité douce, sensibiliser les citoyens.
En parallèle à la sobriété recherchée, il existe une sobriété subie pour une certaine partie de la population victime de la précarité énergétique, que ce soit pour se chauffer ou se déplacer.
Les personnes en situation de précarité ne se sentent pas concernés par le "consommer moins", la sobriété étant leur quotidien. Ces publics ne voient pas d’opportunité de contribution à la transition énergétique et climatique, leur faible revenu ne leur permettant pas d’investir pour accéder à des produits et services économes. Ainsi, le questionnement autour de la sobriété ne doit pas être déconnecté de celui sur les inégalités.
La pénurie de produits ou des difficultés d’approvisionnement peuvent aussi contraindre à une forme de sobriété subie mais qui peut être vécue comme une incitation à réduire ses consommations.
Quelles solutions pour tendre vers un modèle de société sobre, partagé et consenti ?
Adopter une communication positive pour faciliter l’appropriation des enjeux de la sobriété
Il est essentiel de présenter une vision positive d’une société bas-carbone, aussi visuelle et attractive que possible : une grande histoire (à quoi ressemblera le monde) et une histoire plus "micro" et personnelle (ce que cela change dans la vie des gens).
Le discours employé doit souligner l’urgence du changement de comportement et mettre en avant les conséquences d’un"laissez-faire" aux échelles globale, nationale, et locale.
La méthode des Conversations carbone peut être utilisée pour mobiliser les acteurs du territoire et les amener à se projeter dans un mode de vie plus sobre en carbone.
La sobriété doit aussi être présentée comme porteuse de progrès et de transformation sociétale pour atteindre un objectif. On peut par exemple s’inspirer des mouvement slow : Slow food, Cittaslow...
On peut citer ici les Cittaslow comme Mirande, Saint Antonin Noble Val, Labastide d’Armagnac. Ce label attribué aux villes "où il fait bon vivre" regroupe de nombreux aspects de la vie d’une commune qui intègrent la sobriété : les produits locaux, la mobilité douce, le recyclage des déchets, etc .. Dans une Cittaslow, il s’agit de bien vivre tout en produisant et en consommant moins et mieux.
Dans le Gers, c’est le slow tourisme qui préconise la sobriété auprès des touristes .
Enfin, il est essentiel de s’inspirer de l’existant, de ce que les citoyens font déjà et de privilégier la continuité.
Cette approche est développée par le CLER. Après le défi "Familles à Énergie Positive" (FAEP), concours de sobriété énergétique qui proposait à l’échelle locale d’adopter des comportements économes, le CLER lance DECLICS (DEfis Citoyens Locaux d’Implication pour le Climat et la Sobriété). Ce nouveau jeu est organisé autour de défis pour réduire sa facture énergétique, mais aussi découvrir d’autres façons de consommer, de s’alimenter, se déplacer, ou encore de réduire ses déchets (voir notre article "Quelques outils pour mettre en place une politique de sobriété").
Valoriser les nombreux avantages de la sobriété pour la collectivité et les acteurs du territoire, sur le plan énergétique, mais aussi d’un point de vue économique, social ou sanitaire.
Engager des actions sur la priorisation et la diminution des besoins permet d’identifier et de mener dans un deuxième temps des actions d’efficacité énergétique qui se feront à moindre coût. Et c’est déjà lors de cette première étape de sobriété qu’apparaissent de nombreux bénéfices économiques, sociaux et environnementaux tant pour la collectivité que pour les acteurs du territoire :
- des bénéfices économiques : réduction de la facture énergétique et par conséquent hausse du pouvoir d’achat, création ou maintien de l’emploi local (relocalisation de l’économie, tiers lieux de quartier, ressourceries, filières agricoles de proximité...),
- des bénéfices sociaux : amélioration de la santé et du bien-être grâce à une réduction de la pollution de l’air, une meilleure alimentation, le développement de la mobilité douce ; création de lien social : mobilisation de citoyens, entreprises et collectivités dans des projets collectifs ; meilleure équité sociale (mutualisation d’espaces, jardins partagés...),
- des bénéfices environnementaux : lutte contre le changement climatique, préservation des ressources naturelles, réponse aux attentes du citoyen en matière d’environnement (1re préoccupation des français selon un sondage IPSOS, 2019).
Mais faire comprendre et accepter la nécessité de sobriété n’est pas suffisant pour faire évoluer un territoire. En effet, selon une étude ADEME1, l’information et la communication suffisent rarement à provoquer une modification de comportement ; les individus doivent être accompagnés dans leur contexte environnant.
L’article "Les collectivités peuvent faire évoluer les pratiques vers plus de sobriété" fournit des pistes et exemples pour accompagner les changements de comportements et de pratiques dans les territoires afin de tendre vers un territoire sobre et résilient .
1. Changer les comportements, faire évoluer les pratiques vers plus de durabilité, ADEME, 2016