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La mise en œuvre d’actions de sobriété implique de limiter les consommations aux besoins essentiels. Pour cela certaines collectivités utilisent le modèle du donut de Keynes, développé par l’économiste britannique Kate Raworth, pour définir quels sont ces besoins essentiels.

L’extérieur du Donut matérialise les comportements qui dégradent l’environnement et le climat, c’est-à dire les limites écologiques, et au centre une situation de privation critique (le plancher social défini par 12 besoins fondamentaux : nourriture, santé, éducation, justice sociale… ). Entre les deux, les comportements équilibrés qui permettent de répondre aux besoins d’une manière juste et sûre, et dans lequel peut prospérer une économie inclusive et durable. Une politique de sobriété doit se situer dans cet espace. Cette approche conduit à redéfinir une vision globale de la production, de la consommation et des modes de vie, que ce soit à l’échelle d’un individu, d’un foyer, d’une collectivité ou plus largement d’une société.
doughnut de Keynes

 

Faire évoluer un territoire vers la sobriété suppose de combiner l’action à l’échelle de l’individu et celle à l’échelle de la société

La sobriété ne se résume pas aux seules actions individuelles, sa dimension collective est essentielle pour en démultiplier la portée et pour modifier l’environnement social et matériel dans lequel l’individu évolue.
L’individu est contraint dans son action par les réalités économiques, matérielles et sociales, de la société dans laquelle il vit. D’où la nécessité de combiner l’action à l’échelle de l’individu et l’action à l’échelle de la société dans toutes ses dimensions économiques, sociales, techniques, et culturelles. Les dispositifs collectifs doivent venir en appui de l’action individuelle et réciproquement.
Une étude de Virage Energies (2016), confirme d’ailleurs que seule l’articulation de leviers de sobriété à l’échelle individuelle (par exemple le taux des déplacements en vélo et transports en commun, le régime alimentaire, les taux d’équipement en biens électriques et électroniques, etc.) et à l’échelle collective (la répartition des activités sur un territoire, l’écoconception des produits, l’offre en transports collectifs, etc.) permettra d’atteindre des gains énergétiques à la hauteur des objectifs du facteur 4.

 

Le rôle central de la collectivité pour la mise en place d’un projet territorial orienté vers la sobriété

La collectivité locale, est l’acteur incontournable de la sobriété, que ce soit pour mettre en œuvre des projets sur son patrimoine et sa consommation ou dans son territoire.
L’exemplarité de la collectivité peut porter sur sa propre consommation (achats, mobilité..), sur son patrimoine (bâtiments notamment), et sur les services qu’elle apporte aux usagers (mise à disposition de bâtiments publics, alimentation en restauration scolaire, éclairage public, collecte des déchets...). La Région Occitanie par exemple, a mis en place plusieurs dispositifs pour encourager ses agents à utiliser les modes doux : forfait mobilité durable, aides à l’achat d’un vélo à assistance électrique.
Autre exemple : de nombreuses collectivités d’Occitanie se sont engagées à utiliser leur réseau d’éclairage public de façon plus sobre en modifiant les horaires d’extinction. Pour permettre l’acceptabilité de cette mesure, une concertation préalable avec les riverains est indispensable et devra être suivie d’une animation en continue pour partager les résultats obtenus.

 

Comment faciliter le passage à l’action ?

Les nouvelles pratiques à développer sont dépendantes des systèmes organisationnels, des cadres réglementaires et de l’aménagement de l’espace (voir notre article "Comment adapter les politiques pour tendre vers des territoires sobres et résilients"). Dans ce contexte, les modalités d’intervention des collectivités peuvent consister en :

  • l’animation des acteurs, par exemple dans le cadre d’un projet d’Écologie Industrielle et Territoriale ;
  • l’aménagement du territoire pour favoriser les espaces communs (pour le covoiturage, le compost…) ;
  • la proposition et la mise à disposition de services partagés et outils coopératifs (plateforme de covoiturage, solutions d’autopartage, espaces de co-working, repair café, mutualisation des équipements communaux…) ;
  • la sensibilisation et la formation de ses agents et des acteurs du territoire (formation à l’écoconduite, guide pour des achats de proximité…).

La ville de Plaisance du Touch par exemple, a mis en place un espace de travail partagé sur la commune à proximité des services et commerces. Par cette initiative, la municipalité vise à favoriser les nouveaux modes de travail et à apporter aux entreprises, auto-entreprises, porteurs de projets, travailleurs nomades, télétravailleurs et demandeurs d’emploi, des services et des locaux
adaptés au travail à distance et qui favorisent la sobriété en termes de déplacement, et de consommation énergétique.

Les collectivités peuvent aussi proposer des éléments déclencheurs pour faciliter le passage à l’acte.
Par exemple, pour encourager les individus à opter pour les modes de transport alternatifs à la voiture (transports en commun, vélo, marche à pied, etc.) sur certains trajets, la collectivité peut proposer aux publics des incitations financières, comme par exemple, un titre de transport gratuit pour une période donnée ou le prêt gratuit de VAE (la Communauté de communes Aubrac Lot Causses Tarn applique cette pratique).

https://vimeo.com/733273678

Dans ce dernier exemple, l’objectif est de faire en sorte que l’individu essaie les modes alternatifs pour qu’il se rende compte par lui-même de ce que ceux-ci peuvent lui apporter, avant l’acte d’engagement.

 

Le succès de l’opération "Défis Famille à Energie positive" mis en place par plusieurs collectivités d’Occitanie (la Communauté d’Agglomération Castres Mazamet, Flourens, le Sicoval...), a mis en exergue un autre point : pour donner envie d’agir la mobilisation des acteurs doit être collective. Ce défi proposait à l’échelle locale d’adopter des comportements économes en énergie dans un esprit de convivialité et une logique d’apprentissage. Le dispositif d’animation territoriale basé sur la discussion, l’échange entre pairs et l’émulation au sein de petits groupes a favorisé l’émergence de dynamiques de groupe et impacté sur les comportements des participants, sur les normes sociales, et l’appropriation de l’enjeu considéré.
Sur la saison 2015/2016, l’ex-Région Midi-Pyrénées comptait 440 familles inscrites pour une économie d’énergie en moyenne de 14,4%, (soit environ 200€ par famille) réalisée uniquement sur la base d’écogestes : baisser la température de chauffage, éteindre les appareils plutôt que la mise en veille, achats d’équipements plus performants, etc. Ces Défis étaient portés prioritairement par des communes, et intercommunalités de différentes tailles.
En 2022, DECLICS (Défis Citoyens Locaux d’Implication pour le Climat et la Sobriété) succède au programme FAEP. Ce nouveau programme est élargi aux thèmes de la consommation, de l’alimentation, des déchets, de la mobilité... Autant de sujets qui font appel à la sobriété dans les comportements.

Autre levier à activer ou à renforcer : la participation active des acteurs de terrain et des citoyens à l’élaboration des politiques publiques. Les citoyens et acteurs locaux sont les usagers quotidiens du territoire, ils sont concernés par les actions mises en place et leurs impacts. Leur implication dans l’élaboration des programmes et actions permet de renforcer l’adéquation avec leurs besoins, contraintes et attentes et ainsi favoriser une meilleure appropriation et mise en application. La participation est donc à privilégier et elle doit être accessible à tous.
Ce principe de coconstruction des politiques avec les citoyens a été déployé par la Région Occitanie au travers de la démarche de Convention Citoyenne.

Enfin, les collectivités peuvent identifier les initiatives ou dynamiques locales existantes pour les soutenir et les valoriser, en activant les différents leviers à sa disposition :

  • augmentation des subventions allouées aux projets locaux,
  • mise à disposition de terrains ou de locaux adaptés (notamment pour les espaces partagés),
  • mise en place de budget participatif à l’image du budget participatif citoyen de la Région Occitanie « Ma solution pour le Climat »,
  • soutien matériel et financier à des actions collectives portées par des associations ou des collectifs. Par exemple dans le cas d’une opération de compostage partagé : formation des bénévoles, fourniture de matériel, accompagnement par un professionnel, conseils techniques, recherches de sites…

Pour conclure, des outils et méthodes d’accompagnement au changement des comportements existent et peuvent être mobilisés par les collectivités (voir notre article "Quelques outils pour vous aider à mettre en place une politique de sobriété").