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Depuis quelques années, les produits et services « low-tech », dits aussi de conception basse technologie, gagnent en notoriété. De nombreuses initiatives dessinent des alternatives crédibles au tout-technologique et s’inscrivent dans l’ambition de transformation écologique. Ces innovations constituent un levier de développement et améliorent la résilience des territoires dans un contexte de tension sur les ressources.
Les low-tech s’opposent à tous les produits innovants basés sur des technologies complexes, très consommatrices en matériaux et en énergie, souvent compliqués à utiliser, produits pouvant être à l’origine conçus pour favoriser la transition écologique.
Comme le démontre l’étude prospective de l’ADEME, Transitions 2050, la démarche low-tech est un outil au service de la sobriété. Le premier des scénarios baptisé « S1-Génération frugale » repose sur une modification des modes de vie et sur un appareil productif fondé en partie sur les low-tech.

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Infographie « Low-tech : Assurer durablement l’essentiel pour tous »
"Low-tech : Assurer durablement l’essentiel pour tous" regroupant les critères de toute démarche d’innovation low-tech (Avril 2022)
Arthur Keller et Émilien Bournigal, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

 

Comment reconnaître les low-tech ?

Les low-tech se focalisent sur le développement de technologies sobres, agiles et résilientes, mais aussi sur les composantes organisationnelles, sociales, sociétales, commerciales, culturelles, systémiques de l’innovation.
sobrieté : illustration low tech

Un produit low-tech est défini comme simple, sobre et maîtrisable localement. Accessible en termes de coût et de savoir-faire, il répond durablement aux besoins courants et essentiels en matière d’énergie, d’alimentation, de santé, de logement, de transport.
Une démarche low-tech consiste à repenser les produits à partir des usages, des attentes spécifiques, des ressources locales et à proposer des solutions qui limitent l’impact sur l’environnement.
Un service low-tech fait appel à des technologies low-tech. L’innovation low-tech prend ainsi comme point de départ l’usage et la durabilité : comment repenser l’innovation pour développer des produits plus simples, plus sobres en ressources et en énergie, plus facilement recyclables sans perte de matière... voire se passer du produit par une innovation sociétale ou organisationnelle (comme le retour de la consigne pour éviter les emballages jetables, la production locale pour éviter le transport...).

Selon La Fresque des low-tech, atelier-jeu collaboratif sur la soutenabilité des technologies, « les techniques mises en oeuvre se doivent d’être à la fois utiles (question des besoins), durables (pour l’environnement), mais aussi accessibles (chacun-e peut se l’approprier) » .
Dans l’habitat par exemple, une démarche low-tech va promouvoir l’utilisation de matériaux biosourcés (bois, paille, chanvre, terre crue…) et la mise au point de systèmes constructifs innovants avec des processus de fabrication peu consommateurs en énergie et des techniques facilement appropriables.

Les low-tech s’inspirent souvent des techniques et savoir-faire anciens qui reposaient majoritairement sur des matériaux naturels et nécessitaient peu d’énergie pour répondre aux besoins locaux. Elles ont aussi recours aux savoirs plus modernes, à l’imagination, à la créativité et l’ingéniosité pour bousculer les modèles existants. Il s’agit de rechercher les technologies et modèles de fonctionnement les plus appropriés, passés, présents ou futurs, et de repenser les activités dans une logique de résilience collective.
Elles permettent une démarche évolutive qui encourage une sobriété de consommation et de production grâce à des technologies simples d’usage. Elles ne signifient pas un refus de la technologie, mais son utilisation juste et suffisante pour réduire l’impact environnemental.

EnergyCities reprend ses éléments dans la définition des low-tech :
« Les Low-Tech se sont les objets, les systèmes, les techniques, les services, les savoir-faire, les pratiques, les comportements et même les courants de pensée qui s’articulent autour de trois principes :
La low-tech est avant tout utile  : elle répond à des besoins essentiels tels que l’accès à l’eau, l’alimentation, l’énergie, l’habitat ou l’hygiène. Par extension, elle peut concerner les domaines de la santé, des transports, des matériaux de construction et de fabrication, de la gestion de déchets, de l’agriculture ou encore de l’éducation.
La low-tech est intrinsèquement durable, au sens où elle dure dans le temps : robuste, modulable, réparable, fonctionnelle, etc. Par la recherche de sobriété qui la caractérise : efficacité jusqu’au juste nécessaire énergétique, économie et emploi des matières. Se concentre en priorité sur les sources d’énergies et de ressources particulièrement renouvelables et disponibles localement. Durable, enfin, à l’échelle sociétale : la low-tech promeut des solutions, des activités et des connaissances relocalisées, diminuant ainsi autant leur empreinte environnementale que leur empreinte sociale.
La low-tech est accessible au plus grand nombre  : d’un point de vue économique, en étant simple, optimisée, robuste, fabriquée et réparée localement. Elle est également accessible en termes de connaissances : l’approche low-tech permet d’ouvrir les savoirs et de libérer la créativité, l’ingéniosité de chacun et le pouvoir d’agir collectif, tout en l’orientant vers l’humain au sein de son environnement.
 ».

 

L’enjeu des low-tech pour les collectivités

L’innovation low-tech peut être un véritable accélérateur de la nécessaire transition écologique et énergétique, basée sur une technique au service de l’homme et créatrice d’emplois locaux (activités agricoles plus intenses en main d’œuvre, emplois de service dans la réparation, l’animation / formation, petites industries et artisanat...).

Les bénéfices du low-tech pour les territoires sont multiples, car il s’appuie sur l’intelligence collective, redonne du sens à l’activité humaine et crée du lien social. Il s’agit d’imaginer, expérimenter, construire des solutions alternatives et complémentaires, permettant d’introduire de la diversité, source de résilience. Cela permet aussi d’entretenir ou redécouvrir des savoir-faire plutôt que de dépendre uniquement de technologies captives, non maîtrisées (et parfois non maîtrisables car trop complexes) et souvent high-tech ; de développer une plus grande autonomie territoriale, en reprenant le contrôle sur certains processus, donc de réduire les risques de fragilité, la vulnérabilité, de mieux gérer les risques économiques, géopolitiques ou sociaux.

 

Le déploiement des low-tech dans les territoires

Tous les acteurs sont concernés par les low-tech, à toutes les échelles de territoire. L’individu est concerné dans sa capacité à se réapproprier sa consommation et ses impacts. Les low-tech mettent les individus en capacité d’agir car leur simplicité les rend facilement appropriables par les utilisateurs. Elles sont réparables, sourcées localement et rejoignent les objectifs de l’économie circulaire et ceux de l’économie sociale et solidaire. De nombreuses initiatives incarnent ces aspirations citoyennes : ressourceries, fab lab, repair cafés, fermes urbaines, ateliers partagés, ou encore certains tiers lieux qui portent déjà les principes du low-tech.

Changer ses habitudes et « passer au low-tech » peut aussi se révéler bénéfique au niveau financier ou pour la santé : acheter des appareils ménagers réparables et les réparer évite de devoir en racheter, prendre son vélo au lieu de la voiture est préférable pour la santé du citadin sédentaire... Pour les consommateurs, les low-tech permettent de gagner en autonomie et peuvent éloigner les risques de précarisation économique.

Au sein des entreprises, une démarche low-tech permet de requestionner le mix technologique pour remettre la high-tech là où elle est indispensable et socialement souhaitable. Car les low-tech ne peuvent pas couvrir l’ensemble des besoins actuels de nos sociétés. Dans les industries de réseau par exemple (eau potable, assainissement, distribution de l’énergie, transports urbains,) il est difficile d’éviter les high tech alors que d’autres industries pourraient se décentraliser et fonctionner à plus petite échelle, se relocaliser dans les territoires, se « dé-mécaniser » en partie, dans un continuum avec le renouveau d’un artisanat de qualité.

Concernant les collectivités, en tant que coordonnatrices des acteurs de la transition énergétique sur le territoire, elles ont un rôle important à jouer pour contribuer au développement des low-tech.
Quelques exemples d’actions possibles :

  • adoption d’innovations en technologie sobre au sein des bâtiments publics afin de permettre au grand public de les expérimenter (toilettes sèches…) ;
  • intégration de critères low-tech dans la commande publique (achat de produits réparables, de matériaux locaux etc. ;
  • mise en place de dispositifs d’accompagnement pour inciter les citoyens à acquérir des savoir-faire, à échanger localement des services (création d’espaces de pédagogie dans les mairies, organisation de formations , mise à disposition de locaux, mise à disposition de terrains pour des jardins partagés..) et promotion du réemploi et de la réparation : recycleries – ressourceries, ateliers de réparation locaux, collaboratifs et ouverts, ateliers informatiques « libres », ateliers de cuisine, de bricolage, formation à l’autoconstruction de capteurs solaires thermiques... ;
  • appui au développement et à la relocalisation de petites industries en ville au travers d’ une stratégie foncière favorable ;
  • valorisation de l’artisanat par la création d’un label ou d’une marque de territoire « artisanat low-tech », appui à l’installation de nouveaux artisans, à la réappropriation citoyenne de la fabrication (ateliers de couture ou de bricolage, fab labs…. ). On peut citer l’exemple de La Soulane, soutenu par la région Occitanie ;
  • politique d’aménagement de l’espace public qui limite l’usage des technologies (interdire les écrans publicitaires par exemple) ;
  • appui à l’émergence de projets d’autoconsommation (individuelle et collective comme par exemple des panneaux solaires photovoltaïques) et aux initiatives favorisant la fabrication par les habitantes de modes de production d’énergie (fours solaires, panneaux solaires thermiques) ;
  • incitation au développement de nouveaux modèles agricoles : agroécologie, permaculture, maraîchage biologique intensif, agroforesterie, agriculture régénératrice des sols, et à l’utilisation d’outils conviviaux pouvant être auto-construits par les paysans, au lieu de la « smart » agriculture à base de robots, de drones et de big data (agriculture high tech) ;
  • appui au déploiement des initiatives « zéro gâchis / zéro déchet » dans le commerce et la distribution : retour de la consigne et de la vente en vrac, compostage, valorisation des déchets, circuits courts... ;
  • mise en place de services hippomobiles pour les travaux agricoles ou l’entretien des espaces verts, ou encore le transport scolaire de type https://www.moby-ecomobilite.fr/ ou le S’Cool Bus. La commune de Vendargues (34) a mis en place un service de ramassage scolaire gratuit en calèche.

En conclusion, les low-tech peuvent permettre une véritable transition, accélérée et démultipliée, en créant un cadre favorable à l’émergence de nouveaux modèles qui associent citoyens, acteurs économiques et puissance publique.