La sobriété, un concept en évolution
Selon une étude Ademe1 , l’apparition du terme « sobriété » est perçue comme plutôt récente en France. Les personnes interrogées considèrent que la sobriété s’est immiscée de plus en plus largement dans le débat public depuis une dizaine d’années. Pourtant la sobriété est un concept plus ancien mais abordé sous d’autres termes : tempérance, modération, frugalité…
Dans les années 1970, le développement de la société de consommation a fait naître, les premières interrogations liées à la croissance économique et à ses conséquences sur la société. Le rapport Meadows (1972) alertait déjà sur le caractère non durable du rythme d’artificialisation et d’exploitation des ressources naturelles en lien notamment avec la croissance démographique. Suite à ce rapport la Commission Européenne a émis ses premières propositions de modération de la production et de la consommation et a abordé la notion de gaspillage.
Les réflexions et travaux se sont poursuivis sur le sujet dans les années qui ont suivi. Progressivement, l’évolution des contextes environnementaux, climatiques et sociaux, a imposé la sobriété comme un élément d’adaptation et de transition incontournable dans les territoires. Le terme de sobriété a fait l’objet de nombreux débats pour parvenir à une définition simple, partagée et acceptée. Toutes les définitions se rejoignent dans la remise en question du rapport à la consommation - de matière, d’énergie, de biens et de services - au sein d’une société ou d’un territoire.
Ainsi, la sobriété est définie aujourd’hui comme une modération de la consommation par des changements de modes de vie et des transformations sociales. Par son caractère transversal, puisqu’elle concerne diverses thématiques : alimentation, numérique, habitat, mobilité, aménagement… elle s’impose comme l’un des leviers de la transition énergétique et climatique des territoires.
Le terme de sobriété figure dans les textes réglementaires
En 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (dite loi TECV) a introduit la sobriété dans plusieurs domaines. Sur le volet énergétique, la loi mentionne que la croissance verte est définie comme « un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, socialement inclusif, soutenant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises ». La loi évoque également le "développement d’offres de transport sobres et peu polluantes" et la transition vers une économie circulaire par « une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières primaires ». En termes de gouvernance, la loi demande au gestionnaire du réseau public d’électricité de faire figurer dans son bilan "les actions de sobriété, d’efficacité et de substitution d’usages".
En 2020, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vient renforcer cette notion de sobriété. Elle cite l’efficacité énergétique et la sobriété dans tous les secteurs comme des leviers pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La sobriété « impliquant des investissements massifs et une transformation substantielle de nos modes de production et de consommation afin de développer une économie plus circulaire, à la fois économe en ressources et moins productrice de déchets ».
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), du 11 février 2020, qui vise la transition d’un modèle économique linéaire (« fabriquer, consommer, jeter ») vers un modèle circulaire vient conforter la SNBC. Cette loi entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.
La loi Climat Résilience de 2021, au travers de l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) d’ici 2050, introduit plus précisément la notion de sobriété foncière.
Plus récemment, le projet de Stratégie Française Énergie Climat soumis à consultation incluait une rubrique sur le thème de la sobriété : « Quel équilibre entre recours à la sobriété énergétique et recours aux technologies nouvelles ? ». Il s’avère que ce thème est celui qui a reçu le plus de contributions citoyennes, ce qui montre l’intérêt croissant pour le sujet. La future SFEC donnera toute sa place à la sobriété comme levier pour atteindre les objectifs de la France.
Enfin, tout dernièrement, le 6 octobre 2022, le plan de sobriété énergétique a été présenté par l’Etat. L’ambition de ce plan est de sortir progressivement la France de sa dépendance aux énergies fossiles tout en réduisant de 40% la consommation d’énergie d’ici 2050 dans un objectif de neutralité carbone à atteindre.
Ce plan de sobriété présente des mesures simples et opérationnelles, applicables à très court terme et adaptées à différents secteurs et différents acteurs : entreprises, particuliers, collectivités afin de réduire de 10 % les consommations énergétiques au niveau national sur les deux prochaines années. Parmi ces mesures, des mesures communes à tous qui concernent les bâtiments (19°C de température maximale de chauffage pour les pièces occupées, décalage de 15 jours du début et de la fin de la période de chauffe, réduction de l’utilisation de l’eau chaude sanitaire) et les transports (utilisation privilégiée du vélo, des transports en commun, du covoiturage).
Les collectivités territoriales sont concernées par un ensemble de mesures comme la baisse des consommations électriques liées à l’éclairage public, la limitation du chauffage des équipements sportifs, la réduction des mètres carrés chauffés en regroupant les services publics dans des locaux adaptés…).
Quelle place accordée à la sobriété à l’échelle régionale ?
En Occitanie, la Région, au travers de sa trajectoire REPOS, vise la réduction de la consommation d’énergie finale de 40% en 2050 par rapport à 2015 par la sobriété et l’efficacité énergétique. Cette réduction vise notamment les secteurs de la mobilité et du bâtiment. Un logement rénové pourra voir sa consommation baisser d’un facteur 2 à 3. Dans les transports, la substitution des carburants d’origine fossile par des carburants d’origine renouvelable devra s’accompagner du déploiement de nouvelles infrastructures, de nouveaux véhicules plus légers pour les usagers mais surtout d’une nouvelle façon de se déplacer privilégiant le report vers des mobilités douces, les transports en commun et la mobilité servicielle.
Le projet de SRADDET « Occitanie 2040 » porte aussi des orientations fortes en matière de sobriété foncière, de qualité urbaine et de densification, de préservation et de valorisation des ressources, de transition énergétique et de gestion des risques. Dans son volet prescriptif, il fixe une règle relative à la sobriété foncière pour réussir le zéro artificialisation nette à horizon 2050.
A l’échelle locale, les PCAET traitent de l’ensemble de la problématique climat-air-énergie autour de plusieurs axes d’intervention : la réduction des émissions de Ges, l’adaptation au changement climatique, la qualité de l’air, le développement des énergies renouvelables et la sobriété énergétique.
Enfin, d’autres documents d’urbanisme et de planification (SCOT, PLUi, PLH...) sont amenés à intégrer la sobriété dans leurs documents opérationnels en réponse aux objectifs régionaux et textes réglementaires.
Pour en savoir plus voir notre article « "Comment adapter les politiques pour tendre vers des territoires sobres et résilients ?"
1. Panorama sur la notion de sobriété, ADEME, 2019