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En raison des effets localisés des phénomènes de pollution, agir sur les émissions et les concentrations de polluants exige de déployer simultanément des mesures à l’échelle nationale comme au plus près des territoires. La qualité de l’air est dépendante de l’ensemble des activités qui s’exercent sur un territoire : industrie, agriculture, transports, énergie, urbanisme.
Les communes et Établissements Publics de Coopération Intercommunale ont un rôle majeur dans la lutte contre la pollution atmosphérique et disposent de nombreux leviers : organisation de la mobilité et des transports, aménagement du territoire et habitat, transition énergétique, mise en valeur de l’environnement, travail avec les acteurs locaux sur les espaces végétalisés, mise en place de mesures et accompagnement des activités industrielles, des agriculteurs, etc.

 

Les enjeux pour les territoires : les bonnes raisons de s’intéresser à la qualité de l’air

Les enjeux de l’amélioration de qualité de l’air pour les territoires sont divers : réglementaire, pour être en conformité avec la loi, sanitaires, environnementaux et économiques.

D’un point de vue sanitaire un air de mauvaise qualité impacte la santé des populations, et notamment les personnes sensibles (personnes âgées, femmes enceintes, asthmatiques,...), les enfants, les personnes en situation de précarité.
Selon Santé Publique France (2021), 40 000 décès seraient attribuables à une exposition de la population aux particules fines (PM2.5) chaque année. En Occitanie, selon l’évaluation quantitative des impacts sanitaires (EQIS) publiée en 2016, ce serait 2 800 décès prématurés chaque années dus à l’exposition aux PM 2.5.
Les effets de la pollution de l’air sur la santé, observés suite à une exposition de quelques heures à quelques jours (c’est-à-dire lors d’un pic de pollution ponctuel et de courte durée) sont nombreux : irritations oculaires ou des voies respiratoires, crises d’asthme, exacerbation de troubles cardio-vasculaires et respiratoires pouvant conduire à une hospitalisation, et dans les cas les plus graves au décès.
Toutefois, du fait de la durée d’exposition, c’est bien la pollution chronique (c’est-à-dire après des expositions répétées ou continues tout au long de la vie) qui cause globalement le plus d’impacts sanitaires.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait en 2019 à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués dans le monde par la pollution ambiante dans les zones urbaines et rurales. Cette mortalité est due essentiellement à l’exposition aux particules fines, qui provoquent des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers.
A noter que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) estime depuis 2013 que « la pollution atmosphérique est l’une des premières causes environnementales de décès par cancer ».

Les enjeux sanitaires de la qualité de l'air

La qualité de l’air peut aussi jouer sur l’attractivité du territoire, un air sain évoquant un cadre de vie agréable. Un territoire avec une bonne qualité de l’air va pouvoir attirer de nouvelles populations, du tourisme ou encore favoriser l’implantation d’entreprises soucieuses d’offrir un cadre de vie agréable à leurs salariés.

Dans le secteur du bâtiment, la pollution de l’air détériore les matériaux des façades des bâtiments. Plus fragiles, les monuments du patrimoine sont les plus touchés. Les particules engendrent principalement des dégradations esthétiques, par encrassement ou dépôts noirâtres. Des suies noires peuvent recouvrir tous les matériaux : la pierre, le ciment, le béton, la brique, la céramique ou encore le bois.

L’enjeu environnemental est aussi conséquent puisque l’émission de polluants atmosphériques impacte les paysages, les ressources naturelles, et la biodiversité : réduction de la croissance des plantes, accroissement des phénomènes de pluies acides qui, en liaison avec d’autres facteurs (sécheresse, parasites…) entraînent le dépérissement des forêts et la dégradation des sols, phénomène « d’eutrophisation », notamment via l’impact sur les écosystèmes de l’excès de dépôt d’azote, qui génère une modification de la répartition des espèces et une érosion de la biodiversité.
Les questions de qualité de l’air et de changement climatique sont aussi étroitement liées. Pollution de l’air et réchauffement du climat s’additionnent. Les sources d’émissions sont globalement les mêmes (transports, habitat, chauffage, industrie, agriculture) mais leurs effets sont différents. Contrairement aux polluants atmosphériques, les gaz à effet de serre (GES) n’ont pas d’effet local sur la santé mais sur le climat à grande échelle. Et les changements climatiques contribuent à la pollution de l’air : lorsque des gaz à effet de serre sont relâchés dans l’atmosphère, leurs impacts comme par exemple une augmentation de la chaleur ou des feux de forêt, augmentent le niveau d’ozone et accentuent la pollution de l’air. Inversement certains polluants de l’air comme l’ozone par exemple, agissent sur le réchauffement climatique.
Autre exemple, dans le domaine agricole les rendements sont fortement perturbés par la pollution à l’ozone. Présent en grande quantité l’ozone peut entraîner des baisses de rendement de 5 à 20% selon les cultures, et une altération de la qualité des produits.

Tous ces impacts sur la santé, les bâtiments, les écosystèmes, les rendements agricoles et autres, ont des retombées économiques dans les territoires. La pollution de l’air peut causer un manque à gagner pour un territoire comme pour des filières économiques spécifiques.

Une commission d’enquête sénatoriale, en 2015, avait estimé le coût total de la pollution de l’air entre 68 et 97 milliards d’euros par an pour la France, intégrant à la fois les dommages sanitaires de la pollution mais également ses conséquences sur les bâtiments, les écosystèmes et l’agriculture. Cela représenterait entre 5,8 et 8,27 milliards d’euros pour la région Occitanie.
atmo france : les impacts de la pollution
Aussi, pour une collectivité, agir sur la qualité de l’air devient une priorité :
• pour être en conformité avec la réglementation,
• pour adapter ses dépenses publiques aux nouveaux enjeux,
• et pour protéger la santé de ses habitants.

 

En tant que collectivité, comment agir sur la qualité de l’air à l’échelle de mon territoire ?

Plusieurs champs d’intervention sont possibles que ce soit sur la qualité de l’air extérieur ou intérieur. Des documents de référence à l’échelle régionale donnent les lignes directrices à suivre (voir l’article « La qualité de l’air en France et en Occitanie »).

La collectivité peut faire preuve d’exemplarité en agissant sur ses propres bâtiments, ses pratiques de mobilité (par exemple en convertissant sa propre flotte de véhicules). Elle peut également agir sur les pratiques de mobilité des habitants en proposant des alternatives à la voiture individuelle.
Dans les programmes d’aménagement du territoire, elle peut intégrer la qualité de l’air à ses réflexions et en faire une ligne directrice de ses axes opérationnels de planification.
Elle peut accompagner le secteur agricole dans l’évolution de ses pratiques pour abandonner l’utilisation de polluants comme les produits phytosanitaires, l’ammoniac et les composés odorants.
Elle peut mettre en place des mesures pour lutter contre le brûlage des déchets vert à l’air libre, et pour favoriser les chantiers propres.

Ces différentes actions autour de la mobilité, de l’aménagement du territoire et des mesures d’accompagnement plus spécifiques autour du brûlage des déchets verts, du chauffage au bois, de l’utilisation de produits phytosanitaires, de l’habitat, vous sont présentées dans les autres articles de ce webmag.

 

Les collectivités doivent aussi répondre à des obligations réglementaires relatives à l’air

En application de la loi du 10 juillet 2010 (loi Grenelle 2), les collectivités doivent intervenir sur la qualité de l’air intérieur dans les établissements dont elles assurent la gestion : crèches, écoles, collèges, lycées.(voir article « Le contexte régional autour de la qualité de l’air »)

Concernant l’air ambiant, le Code de l’Environnement dans ses art L.222-4 à L.222-7 puis R.222-13 à R.222-36 instaure les Plan de Protection de l’Atmosphère (appelés PPA) et les rend obligatoires pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants et les zones dans lesquelles les valeurs limites ou les valeurs cibles d’au moins un polluant sont dépassées ou risquent de l’être. L’art. R221-1 liste les polluants ciblés et définit les seuils et les objectifs pour chacun d’entre eux. En Occitanie, 3 territoires sont concernés : Toulouse, Nîmes, Montpellier.

Depuis la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, l’instauration de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est obligatoire dans les secteurs urbains où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées. Onze agglomérations étaient concernées en 2019, dont Toulouse et Montpellier. La loi Climat et résilience a étendu les ZFE à l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants : 2 nouvelles agglomérations seront concernées en 2025 en Occitanie : Nîmes et Perpignan.

Contrairement aux ZFE-m dont les modalités de mise en œuvre ne sont pas encadrées, un PPA s’organise autour d’un état des lieux, des objectifs à atteindre et de mesures à mettre en œuvre, avec des mesures à caractère réglementaire et opposable dont le respect est obligatoire et des mesures d’incitation et de partenariat dont la mise en œuvre correspond à une recommandation.

Exemple de mesures à caractère réglementaires et opposables extraites du PPA de Nimes 2016-2020 :

  • définir les attendus relatifs à la qualité de l’air à retrouver dans les documents d’urbanisme et en informer les collectivités,
  • veiller au respect des valeurs limites d’émissions pour les petites chaudières de puissance comprise entre 400 kW et 2 MW,
  • réduire les émissions de poussières dues aux activités des chantiers et au BTP, aux industries et au transport de matières pulvérulentes.

Exemples de mesures d’incitation :

  • encourager l’élaboration de Plans de Déplacement Entreprises (PDE) et Administration (PDA) et promouvoir l’élaboration de Plans de Déplacements Établissements Scolaires (PDES) et de Plan de déplacement Inter-Entreprises (PDIE),
  • encourager les actions d’éducation, d’information et de sensibilisation de la population sur la qualité de l’air,
  • réaffirmer et rappeler l’interdiction du brûlage à l’air libre des déchets verts.

Le rapport d’évaluation de ce PPA réalisé en juin 2021 a montré une nette diminution des émissions de polluants atmosphériques dans l’air, que ce soit pour le NO2 et les particules PM10 et PM2,5, bien que tous les objectifs de réduction des émissions tels que prévus dans le PPA n’aient pas été atteints.
Le PPA de Nimes, ainsi que ceux de Toulouse et Montpellier, sont actuellement en phase de révision.

En complémentarité des PPA spécifiquement dédiés à l’air, les collectivités sont soumises à des lois qui leur imposent d’introduire un volet air dans leurs documents de planification et politiques locales.
Dans le domaine de l’aménagement du territoire, les SCOT, PLUi, PCAET sont concernés par cette obligation.
Certaines collectivités ont choisi d’intégrer la problématique de la qualité de l’air dans leurs programmes territoriaux comme par exemple dans leur Contrat Local de Santé (CLS) ou leur Plan Alimentaire Territorial (PAT) (voir article « L’aménagement du territoire : un levier majeur pour un air sain »).

Les collectivités sont aussi fortement mobilisées dans le secteur de la mobilité au travers des lois LOM et TECV. Elles doivent mettre en place des actions pour réduire la pollution liée aux déplacements comme par exemple les ZFE-m (voir l’article « La mobilité : un secteur à fort impact qui concerne tous les acteurs du territoire »).